mardi 29 décembre 2009

Panser l'entreprise

Damien Cru

La prévention de la souffrance au travail est-elle un problème de santé ?
http://www.lautrecampagne.org/article.php?id=39

Valoriser les savoirs collectifs :
http://www.alencontre.org/EdPage2/p2_trv_cru.html

Il est l'heure monseigneur, il est l'or mon senior ...
http://www.esangathan.fr/wp-content/uploads/table-ronde-intervention-damien-cru.pdf

Daniel Loriot

http://www.socialconseil.fr/spip.php?article42
http://test.socialconseil.fr/spip.php?auteur1

Francis Ginsbourger

Quand dé-localiser fait partie du travail, l’émergence d’une nouvelle critique syndicale
http://www.cadres-plus.net/bdd_fichiers/432-10.pdf


La gestion contre l'entreprise
La Découverte, coll. Cahiers libres, 1998, 288 p.
Réduire le coût du travail ou organiser sa mise en valeur

Nourri de son expérience à l'Anact, Francis Ginsbourger propose dans ce livre une stimulante réflexion sur l'évolution du travail en entreprise. La thèse est simple et directe, et elle ne fera pas plaisir à tout le monde : loin d'être trop cher, le travail est aujourd'hui mal valorisé. Des cas concrets viennent soutenir cette prise de position, qui est solidement étayée au fil des pages, en dépit de quelques coups de patte qui ressemblent à des règlements de compte. Ce livre, passionné et bien argumenté, appelle à réévaluer la place du travail dans l'entreprise, alors que nos mentalités – façonnées par une conception étroitement taylorienne – rechignent à entrer dans une autre organisation du travail.

Francis Ginsbourger procède, dans son ouvrage, à une critique en règle de la façon dont les entreprises sont aujourd'hui gérées. Cette critique s'articule autour de trois observations majeures.

En premier lieu, les instruments de gestion dont se servent les entreprises ne sont pas satisfaisants. Etant destinés à réduire la complexité à laquelle se heurtent les décideurs, ils en viennent à donner de la réalité une vision à la fois partielle et trompeuse. Ils constituent un instrument de cohérence au sein des organisations, mais il en résulte en même temps une invitation au conformisme dont il devient difficile de s'écarter. De cette contradiction découle un recours trop fréquent au statu quo, les expérimentations locales se trouvant découragées dès lors qu'elles ne sont pas conformes à des critères de bonne gestion définis au sommet de l'entreprise.

En second lieu, le travail est systématiquement considéré comme un coût, non comme une source de progrès. Il s'agit donc de réduire ce coût, et non pas de valoriser mieux les potentiels que rassemble l'entreprise. En cas de difficultés économiques, l'on procédera ainsi à des licenciements de façon à réduire la masse salariale sans prendre garde à l'appauvrissement, en termes de savoir-faire collectifs, qui en résulte pour l'entreprise. Les solutions d'essence malthusienne l'emportent ainsi systématiquement sur ce que l'on appelle pourtant le «développement des ressources humaines».

Et enfin, l'auteur met en cause la sélection en fonction des niveaux de qualification. Celle-ci fonctionne comme une colonne de distillation, produisant l'exclusion de ceux dont la qualification est jugée la moins satisfaisante et qui ne trouvent plus ainsi leur place dans les entreprises. En outre, la qualification s'apprécie en France selon le niveau de scolarité. En période de sous-emploi, ceci mène à une précarisation croissante des salariés dont le niveau d'étude est faible.

Il s'agit là d'un constat parfaitement pertinent, encore qu'il ne soit pas d'une absolue nouveauté. Au-delà, toutefois, il est difficile de suivre l'auteur. D'abord, il lui arrive d'être parfaitement amphigourique. Lorsqu'il écrit par exemple : «les chiffres reflètent une réalité : celle que reflètent (à leur façon) les instruments de gestion», cela s'appelle un non sens. Ou lorsqu'il affirme de façon péremptoire : «faire la même chose à moindre coût n'a jamais créé ni activité, ni nouveaux emplois», cela s'appelle une énormité. De même, lorsqu'il prétend que «une action efficace en faveur de l'emploi et contre l'exclusion passe, entre autres conditions, par une organisation des règles - une régulation - de la concurrence entre les entreprises à tous les niveaux pertinents», il semble oublier que celle-ci présente un caractère international, de telle sorte qu'il n'y aura jamais «homogénéisation des conditions de la concurrence entre les entreprises».

Cette méconnaissance des réalités économiques se manifeste également dans la façon, par exemple, dont il aborde l'externalisation des tâches ; celle-ci ne concernerait selon lui que les tâches d'un faible niveau de qualification, ce qui est faux ; et il en résulterait que les entreprises sous-traitantes seraient nécessairement «exploitées» par le donneur d'ordre, ce qui l'est tout autant. Ce sont là autant de vérités partielles, probablement nourries par un solide préjugé à l'encontre de toute forme d'organisation venant remettre en cause le statut du travail tel qu'il s'est affirmé dans la grande entreprise des années soixante.
Au total, Francis Ginsbourger a certainement le mérite de poser un certain nombre de questions souvent négligées par les décideurs économiques. Il souligne à juste titre l'importance de la qualité des relations de travail, en tant que source d'efficacité à la fois personnelle et collective. Mais il est dommage que son argumentation soit desservie par des considérations qui la rendent difficilement recevable par ceux auxquels elle devrait s'adresser.

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