jeudi 14 octobre 2010

Benoit Mandelbrot

Benoît Mandelbrot
Image illustrative de l'article Benoît Mandelbrot
Benoît Mandelbrot, en 2007
Naissance 20 novembre 1924
Varsovie (Pologne)
Décès 14 octobre 2010 (à 85 ans)
Cambridge, Massachusetts (États-Unis)
Nationalité Franco-américain
Champs Mathématiques, théorie de l'information
Institution Université Yale
International Business Machines (IBM)
Diplômé de École polytechnique
California Institute of Technology
Renommé pour Ensemble de Mandelbrot
Fractales
Distinctions Médaille Franklin (1986)
Prix Wolf (1993)
Prix japonais (2003)

Benoît Mandelbrot est un mathématicien franco-américain, né à Varsovie le 20 novembre 1924 et mort le 14 octobre 2010 à Cambridge, dans le Massachusetts1. Il a travaillé, au début de sa carrière, sur des applications originales de la théorie de l’information, puis développé ensuite une nouvelle classe d’objets mathématiques : les objets fractals, ou fractales.

Mandelbrot est né à Varsovie, dans une famille juive d’origine lituanienne, d’un père revendeur de vêtements et d’une mère médecin. Son oncle Szolem Mandelbrojt était professeur de mathématiques au Collège de France. Sa famille a quitté la Pologne pour Paris afin de fuir la menace hitlérienne. C’est à Paris qu’il fut initié aux mathématiques par deux oncles. L’invasion allemande force la famille à se réfugier ensuite à Brive-la-Gaillarde, où il est aidé, pour la continuation de ses études, par le rabbin David Feuerwerker. Après avoir fréquenté le lycée Edmond-Perrier de Tulle, il poursuit ses études au lycée du Parc, à Lyon.

près avoir quitté l’École polytechnique (promotion 1944), où il a suivi les cours d’un spécialiste du calcul des probabilités (Paul Lévy), il s’intéresse aux phénomènes d’information, les idées de Claude Shannon étant alors en plein essor. Intrigué par la loi de Zipf, empirique et contestée, il la pose en termes de minimisation des coûts de stockage et d’utilisation des mots par l’esprit. Par élimination de la variable de coût entre les deux équations, se révèle une loi qui n’a, cette fois-ci, plus rien d’empirique : c’est la loi de Mandelbrot, dont celle de Zipf n’est qu’un cas particulier, et qui répond mieux qu’elle aux observations (expliquant en particulier le coude toujours observé dans les distributions, et non expliqué par la loi de Zipf). Ce travail lui vaut une notoriété immédiate, en particulier grâce à un ouvrage de Léon Brillouin : Science et théorie de l’information, qui aura d’ailleurs un succès bien plus grand dans sa traduction anglaise : Science and information theory (les conventions typographiques catastrophiques de l’ouvrage français n’y sont pas étrangères

Il quitte alors la France une année, vers la Californie, mais y revient en 1949, jusqu’en 1958, époque où il retourne à nouveau aux États-Unis d’Amérique, attiré, d’après lui, par une plus grande liberté de créativité, non restreinte à une seule discipline précise. Il travaille comme chercheur chez IBM sur la transmission optimale dans les milieux bruités, tout en poursuivant son travail sur des objets étranges jusque-là assez négligés par les mathématiciens : les objets à complexité récursivement définie, comme la courbe de Von Koch, auxquels il pressent une unité. Le mathématicien Felix Hausdorff a d’ailleurs préparé le terrain en définissant pour ces objets une dimension non-entière, la dimension de Hausdorff. Quant au mathématicien Gaston Julia, il a défini des objets qui ont un air de famille avec le tout.

l signe en 1973 dans une revue d’économie l’article Formes nouvelles du hasard dans les sciences2. Cet article critique le manque d’intérêt des chercheurs de nombreuses disciplines pour les fluctuations aléatoires, se cantonnant trop à étudier les moyennes à long terme. Il cite des exemples pris dans son domaine à IBM, la transmission du signal, mais également dans des domaines inattendus : les crues du Nil, la forme des nuages, celle des fleuves.

Il arrive à la conclusion qu’il n’y a pas une forme de hasard, qui conduirait toujours à une égalisation par la loi des grands nombres. Il s’agit là d’une illusion due au fait que nous n’étudions que ces exemples en nous détournant des autres comme mal conditionnés, comme les mathématiciens se sont détournés du flocon de Koch qu’ils considéraient comme un objet monstrueux : les sphères ou les triangles sont considérés comme des objets acceptables par les mathématiciens de l’époque, mais pas les nuages ni les arbres (du moins en tant qu’objets géométriques). Les mathématiques de cette époque restent muettes sur les monstres. Pas étonnant dans ces conditions que les mathématiques existantes soient considérées comme ayant un immense pouvoir d’explication des phénomènes scientifiques, car nous ne considérons comme scientifiques que les phénomènes qu’elles permettent d’expliquer ! Nous sommes pris dans le piège d’un argument circulaire dont nous ne pouvons plus sortir.

Or, ajoute Mandelbrot, « c’est l’essentiel des phénomènes de la nature qui obéissent à cet autre type de hasard où l’on ne peut appliquer la loi des grands nombres ». Le modèle standard nous fait passer à côté de la plus grande partie de la réalité, et va jusqu’à nous empêcher même de la voir.

En 1967 il citait déjà comme exemple de cette nouvelle forme de hasard à étudier, dans son célèbre article How Long Is the Coast of Britain? (en), la côte de Grande-Bretagne, dont la longueur dépend de l’échelle à laquelle on la mesure, et qui possède une dimension de Hausdorff non-entière, comprise entre 1 et 2 : elle ne constitue à proprement parler ni un objet à une dimension, ni un objet à deux dimensions, et c’est en acceptant l’idée de dimension non-entière que nous allons pouvoir attaquer ces objets qui ont toujours échappé à notre étude : la théorie fractale est, dès cet article, officieusement lancée.

Les principes en seront publiés avec une très grande quantité d’exemples (hydrologie, structure du poumon, granulation des bétons, paradoxe d’Olbers, turbulences en mécanique des fluides, urbanisme des villes, et même trous de l’Appenzeller) dans un ouvrage qui fait depuis référence : Les Objets fractals - Forme, hasard et dimension en 1974. Il y présente au lecteur des objets jusqu’alors peu connus : flocon de Koch, éponge de Sierpinski (ou éponge de Menger, ou de Sierpinski-Menger), que les mathématiciens gardaient pudiquement dans leurs tiroirs. Tous ces exemples ont en commun ce que l’auteur nomme une homothétie d’échelle et qu’il désignera quelques années plus tard sous le nom d’autosimilarité (self-similarity).

Le caractère novateur du livre (paru au départ en France) en fait un succès immédiat, mondial, et qui touche cette fois-ci le grand public. Les exemples de la première édition de cet ouvrage étaient tous en noir et blanc pour des raisons d’économie et de technologie des écrans. Par la suite, les fractales se révélant un outil efficace pour la synthèse d’images complexes, on n’en verra plus qu’en couleurs.

Mandelbrot a donné son nom à une famille de fractales (dites de Mandelbrot), définies par la relation de récurrence zn+1 = zn2 + c, c étant un nombre complexe quelconque.

Son travail sur les fractales en tant que mathématicien à IBM lui a valu un Emeritus Fellowship au laboratoire de recherche T. J. Watson. Ses travaux y ont été repris par son collaborateur, Richard Voss. Il a été lauréat de la médaille Franklin en 1986.

Il a également montré qu'un grand nombre d’objets dans la nature étaient bien décrits par des fractales, conduisant ainsi à de nouveaux terrains de recherche. Des fractales se retrouvent également dans des phénomènes étudiés en théorie du chaos.

Professeur à l’université Yale (1987), conférencier au Conservatoire national des arts et métiers (1994, 2000).

Le 23 novembre 1990, il est fait chevalier de la Légion d’honneur, et est promu officier le 1er janvier 2006, une distinction qui lui est remise le 11 septembre 2006 par son camarade de promotion à l’École polytechnique, le sénateur Pierre Laffitte3.

Benoît Mandelbrot est également à l’origine en 1961 d’un modèle d’évolution des cours de la bourse basée sur la géométrie fractale. Cette théorie financière a l’avantage de mieux détecter la survenue des variations extrêmes, ce que ne permet pas l’usage de l’analyse technique basée sur la théorie de Dow. D’abord reconnue pertinente, elle a été ensuite mise de côté pour cause de complexité, avant d’être réutilisée depuis la fin des années 1990, riches en turbulences financières.

En 1997, Mandelbrot propose un nouveau modèle plus précis en supprimant les sauts de Lévy par des processus où la discontinuité s’atténue sur le long terme et intègre l’effet de mémoire des fluctuations boursières. Il introduit un temps « multifractal » pour décrire les alternances de périodes calmes et agitées observées sur les marchés financiers : l’amplitude des variations peut rester indépendante d’un jour à l’autre tout en étant corrélée sur de très longues périodes de temps4

En 2004, il a publié Une approche fractale des marchés dans lequel il dénonce les outils mathématiques de la finance parce qu’il les juge inadaptés5. Cette même année, il avait demandé, sans succès, que les banques et les grandes institutions financières consacrent une petite partie de leur budget à la recherche fondamentale5.

Benoît Mandelbrot est en particulier très critique sur la théorie de Merton, Black et Scholes5 utilisée par les banques, parce que, selon lui, elle ne prend pas en compte les changements de prix instantanés et des informations essentielles5, faussant ainsi les moyennes.

En 1994, dans La Dramaturgie, Yves Lavandier affirme que la théorie fractale s’applique à merveille aux mécanismes du récit. La forme simple protagoniste-objectif-obstacles se retrouve à différentes échelles : la série, l’œuvre unitaire, l’acte logistique, l’acte dramatique, la séquence, la scène, jusqu’à certains dialogues. C’est la spécificité de chaque composant et la combinaison de milliers de formes simples qui donnent à chaque récit son caractère unique et son apparente originalité.

Les inflorescences fractales d’un chou romanesco.

Frontière de l’ensemble de Mandelbrot (détail).

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