dimanche 30 octobre 2011

Judith Jiguet, nouvelle DG de l’ACFCI

Le 2011/10/30 à 15:04
Philippe Adam

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D.R.
Judith Jiguet arrive aux commandes de l’ACFCI avec une idée en tête : conduire la réforme des CCI françaises.


En la recrutant, le président des chambres de commerce et d’industrie françaises, André Marcon, a fait "un vrai choix". C’est ce qu’elle pense, car il aurait trouvé à travers son profil un regard neuf, sans a priori, capable de prendre en compte les atouts du réseau et d’accompagner les changements liés à la réforme. À 39 ans, Judith Jiguet est donc la nouvelle directrice générale de l’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie (ACFCI). Sans histoire dans le réseau, sans tentation aucune de privilégier les CCI territoriales au détriment des nouvelles CCI de régions ou vice et versa, sans mauvaise relation, elle se déclare à 100 % au service de tous et espère qu’il en sera toujours ainsi.

"Au service !" : les deux mots pourraient allègrement illustrer l’inspiration de la vie de Judith Jiguet. C’est aussi ce qui l’a séduite lors de son premier entretien avec le patron de l’ACFCI. Une vision, un sens de l’intérêt général et des "dadas" comme celui de l’aménagement du territoire. "Je suis un haut fonctionnaire avant tout", insiste-t-elle, et les hauts fonctionnaires sont là pour servir. Juste avant d’entrer au service des chambres de commerce, elle dirigeait le cabinet de Chantal Jouanno, alors ministre des Sports. Comme tous les hommes et les femmes de cabinet ministériel, elle cultive sans doute la discrétion, habituée à travailler dans l’ombre.

Aussi, Judith Jiguet n’aime-t-elle pas parler d’elle. Elle s’étonne même que l’on puisse écrire sur son arrivée avenue de la Grande-Armée, à Paris, son nouveau bureau depuis août dernier. Surtout, elle déteste être photographiée. Un embarras difficile à expliquer. Judith Jiguet est une femme accorte, active et visiblement bien dans sa peau. Grande et élancée grâce à la gymnastique et à la natation qu’elle a pratiquées jusqu’à ses 20 ans, indique-t-elle, elle a toutes les caractéristiques – l’arrogance en moins – de l’executive woman moderne et accomplie, de celles que l’on aime bien mettre en avant dans les magazines et les forums pour illustrer le succès du management par la mixité. Très sympathique et humaine, elle ne fait pas de manière, alors que nous lui posons des questions, même personnelles. Elle répond, elle écoute, elle rit. Finalement, malgré sa pudeur, elle se livre un peu. Mais elle contrôle, choisit ses mots, et se garde de heurter qui que ce soit. Comme tous les hommes et les femmes de cabinet ministériel, Judith Jiguet parle avant tout de travail.

C’est en découvrant son parcours professionnel que l’on cerne mieux l’insatiabilité pour le travail de la directrice générale de l’ACFCI, autant que sa passion pour la conduite de projets. Après un DESS de Gestion publique et des études d’ingénieur à l’École nationale du Génie rural, des Eaux et des Forêts, et d’ingénieur agronome à l’Institut national agronomique, Judith Jiguet est propulsée, à 24 ans, chef de service à la direction régionale de l’Environnement de Poitou-Charentes. Elle passe à la direction départementale de l’Agriculture et de la Forêt de la Vienne (1999), puis devient chargée de mission à la délégation à l’Aménagement du territoire et à l’action régionale (2003), avant d’occuper le poste de chef de bureau à la direction de l’Eau au ministère de l’Écologie et du Développement durable (2003). Là, elle se fait vite remarquer grâce à sa circulaire réformant la police de l’eau et créant une structure départementale unique lorsque certains départements comptaient jusqu’à huit services. Débute alors une irrésistible progression pour la jeune haute fonctionnaire. "J’ai été appelé en cabinet ministériel, et lorsque l’on est chef de bureau, on ne peut pas refuser un poste de conseiller technique."

Pendant trois ans, Judith Jiguet décrypte les arcanes des cabinets auprès de Dominique Bussereau, ministre de l’Agriculture, jusqu’à l’élection présidentielle de 2007. Elle anticipe sa sortie dans le privé et se retrouve chez Véolia Eau, mais pour peu de temps, malgré son intention première d’y rester quelques années. Michel Cadot, son ancien directeur de cabinet, poursuit sa carrière avec Michel Barnier devenu ministre de l’Agriculture. Les "deux Michel" lui offrent de devenir directeur adjoint. Une fois de plus : "J’ai 35 ans, ça ne se refuse pas." Elle côtoie alors le réseau consulaire, celui de l’agriculture naturellement, en pleine révision générale des politiques publiques (RGPP). Deux ans plus tard, c’est au tour de Jean-Louis Borloo, alors ministre de l’Écologie, d’être séduit par les capacités de travail de Judith Jiguet et, surtout par sa compréhension de l’administration centrale, de l’action territoriale et de l’environnement. Car Judith Jiguet, en plus de sa formation, est depuis toute petite "consciente de la finitude des ressources, de la dégradation globale de la Terre et que, de génération en génération, on abîme notre patrimoine".

Nommée directrice de l’Eau et de la Biodiversité en conseil des ministres en 2008, elle est heureuse, même si le challenge est immense : la fusion des deux directions. Elle se projette bien dans sa nouvelle fonction, veut prendre le temps, dessine la réorganisation et initie avec son équipe des séminaires et des réflexions sur la méthodologie. Jusqu’à un fameux coup de téléphone en 2009. Chantal Jouanno, qui la connaît un peu, la veut pour diriger son nouveau cabinet à l’Écologie. Rebelote ! "Directeur de cabinet, ça ne se refuse pas !". Judith Jiguet est triste de quitter l’administration centrale de l’eau et de la biodiversité, mais elle se projette déjà dans les nouveaux défis qui l’attendent.

Elle ne regrettera pas une seule fois, d’autant qu’elle en a pour son "workaholisme". "Dans un cabinet ministériel, vous travaillez dans l’urgence, nuit et jour, et en continu. Vous écrivez la politique du ministère derrière votre ministre, et l’on se retrouve très vite addict de ces fonctionnements." Elle suivra Chantal Jouanno au ministère des Sports dès 2010. Pour Judith Jiguet, c’est "le grand saut", parce qu’elle n’avait aucune référence, d’une part et qu’elle n’était même pas pratiquante, d’autre part, ou plus tellement... Alors elle "fait l’éponge", comme elle dit souvent, apprend et écoute avec humilité. Ce qu’elle fait aussi au sein de l’ACFCI. Facile pour celle qui ne fanfaronne jamais, malgré son incroyable parcours professionnel. Son poste à l’ACFCI est son onzième en seulement quinze ans.

Jusqu’où cette irrépressible ascension mènera-t-elle Judith Jiguet ? Arrivée à l’ACFCI, elle annonce qu’elle souhaiterait désormais prendre le temps de penser à elle. Maman d’un petit garçon et d’une petite fille, âgés tous deux de moins de 10 ans, la directrice générale confie, non sans culpabilité, ne pas avoir connu toutes les maîtresses d’école de ses enfants. Soulagement pour elle, son mari veille parfaitement sur leurs oisillons. Et même si elle a toujours pu dégager suffisamment de temps pour leur faire faire leurs devoirs du soir, elle admet que la conjugaison entre vie professionnelle active et vie familiale demeure difficile et parfois douloureuse. "Pas une seule fois, en programmant des réunions le samedi ou le dimanche, à 21 heures ou 22 heures, on ne m’a demandé si ça ne posait pas de problème pour mes enfants !"

Si elle n’avait pas connu cet accomplissement au travail, Judith Jiguet aurait sûrement été bien moins heureuse, elle assume donc son choix. Tellement exigeante envers elle-même qu’il ne saurait en être autrement. Auprès des CCI, la tâche va être immense. Judith Jiguet le sait. Mais elle amorce cette mission, confiante, sereine, riche de ses expériences antérieures et de méthodes qui ont fait leur preuve. Elle veut mener la réforme des chambres de commerce et conduire le changement. Alors elle y parviendra, très certainement, car réussir est ce que Judith Jiguet sait simplement faire de mieux.

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