lundi 14 novembre 2011

Monti à la tête de l'Italie : Goldman Sachs dirige-t-elle l'Europe ?

Après Mario Draghi à la Banque centrale européenne, la banque d'affaires américaine Goldman Sachs a placé un autre de ses pions, Mario Monti, à la tête de l'Italie.



Dark Vador essaie de conquérir un chat (Kevin Dooley/Flickr/CC)

Encore un ! Trois mois après la nomination de Mario Draghi – un ancien de la Goldman Sachs – à la tête de la Banque centrale européenne, Mario Monti, lui aussi italien et passé par la banque d'affaires américaine, prend les manettes de l'Italie. Dans un contexte de crise, cette influence grandissante de la banque dans les capitales européennes inspire de plus en plus la méfiance.

Goldman Sachs « ne peut pas tout faire »

Lorsque Marc Roche, journaliste au Monde et auteur de « La Banque : comment Goldman Sachs dirige le monde », se rend en Grèce où son livre a été traduit, il se rend compte, « effrayé », que son enquête sur le pouvoir de la banque donne lieu à toutes sortes de théories conspirationnistes :

« Il ne faut pas tomber là-dedans. Leurs réseaux ne peuvent pas tout faire, l'efficacité de ce réseau est moindre aujourd'hui. Et Mario Monti, comme Draghi, sont surveillés par la presse, les députés et les ONG. »

La crainte légitime du conflit d'intérêts a été posée dès cet été, avec la nomination de Mario Draghi à la BCE – d'autant que son rôle chez Goldman Sachs n'est pas clair. Auditionné par les eurodéputés le 24 juin dernier, il avait assuré qu'il n'avait rien à voir avec le deal établi entre Goldman Sachs et la Grèce en 2001. La banque américaine avait alors proposé un montage financier permettant de dissimuler l'ampleur de la dette grecque. Le pays aurait déboursé 300 millions d'euros pour bénéficier de ces instruments


Mario Monti à Rome, le 13 novembre 2011 (Stefano Rellandini/Reuters)

Marc Roche explique que si le rôle de Mario Draghi, en tant qu'associé à Goldman Sachs – c'est-à-dire qu'il était un « vrai banquier » – n'a rien à voir avec celui qu'avait Mario Monti, le successeur de Berlusconi, dans le même établissement :

« Monti est un animal différent. Il fait partie des conseillers internationaux de Goldman Sachs. C'est un ouvreur de portes. Ils utilisent Monti, qui ne fait rien d'illégal, pour défendre leurs intérêts mais ça pose des problèmes éthiques. »

De nombreux anciens commissaires recrutés par la banque

Le cas Monti n'est pas isolé. Ancien commissaire européen au Marché intérieur, puis à la Concurrence, l'Italien a précisément le profil dont raffole Goldman Sachs. Marc Roche :

« Alors que les banques françaises recrutent dans leurs conseils d'administration d'anciens diplomates qui connaissent les régions où elles opèrent ou d'anciens dirigeants de grandes institutions internationales, chez Goldman Sachs, plus que toute autre banque, on vise deux profils : les anciens banquiers centraux ou responsables du Trésor et les anciens commissaires européens. »

On retrouve ainsi chez GS :

  • Peter Sutherland (Irlande), président de Goldman Sachs International, ancien commissaire européen à la Concurrence ;
  • Otmar Issing (Allemagne), ancien membre du directoire de la Bundesbank et ancien de la BCE ;
  • Lord Griffiths (Royaume-Uni), ancien conseiller de Margaret Thatcher ;
  • Charles de Croisset (France), ex-patron du Crédit commercial de France ;
  • Petros Christodoulou, ancien de Goldman Sachs devenu responsable des marchés de la National Bank of Greece (NBG)

Ces « ouvreurs de porte » permettent à la banque de pénétrer de façon légale le cœur du pouvoir, c'est-à-dire de bénéficier du carnet d'adresses et des informations détenues par ces hommes discrets mais très influents.

Quels intérêts défendent-ils ?

Si rien n'est illégal dans ce fonctionnement, des problèmes éthiques se posent, relève Marc Roche :

« Dans ces milieux de grande discrétion, les gens parlent. Recruter ces personnalités revient à recueillir ce que disent les “policy makers” [décideurs politiques, ndlr], des informations confidentielles, et à les introduire dans les machines de Goldman Sachs.

Monti comme Draghi dissimulent qu'ils ont travaillé à Goldman Sachs ou rechignent à en parler. Pourquoi ? Sans doute parce qu'ils ont honte, la banque est aujourd'hui très contestée, c'est une institution sur la défensive. »

Quels intérêts défendent les anciens de Goldman Sachs lorsqu'ils sont aux affaires ? Ceux des citoyens ou de leur maison-mère ? « Tous les gens de Goldman Sachs que j'ai rencontrés restent très liés à la banque », note Marc Roche.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.