mardi 19 juin 2012

Vous allez détester Windows 8

On finira peut-être par s’habituer au nouveau système d’exploitation de Microsoft, mais dans le sang et les larmes.

Windows 8 Start Screen Tiles  / Filip Skakun via FlickrCC Licence by - Windows 8 Start Screen Tiles / Filip Skakun via FlickrCC Licence by -
Vous n’êtes pas prêt pour Windows 8. Il va arriver quand même, tel un train de marchandises apportant sans se presser son énorme cargaison de changement et d’appréhensions, gigantesque mise à jour qui va semer l’émoi dans la vie de millions de personnes du monde entier. Cela vous étonne peut-être.
A l’image de l’eau courante et des antibiotiques, Windows est depuis longtemps devenu une technologie banale et omniprésente allant de soi pour des tas de gens—surtout pour ceux qui habitent la Silicon Valley. Mais quand il débarquera dans tous les nouveaux PC à la fin de cette année, le nouveau Windows ne passera pas inaperçu.

Avec le temps, vous apprendrez à aimer de nombreux aspects de Windows 8. Mais comme pour toute nouvelle version de l'univers technologique, votre première impression vous inspirera une frustration sans borne. Certains de vos griefs à l’encontre du nouveau système d’exploitation seront infondés, simple réflexe émotionnel que vous réviserez plus tard. Mais quelques-unes de vos contrariétés seront parfaitement justifiées.

Temps d'adaptation

J’utilise Windows 8 par intermittence depuis trois mois environ. En février et mars, juste après la parution de la «consumer preview» du logiciel, j’ai utilisé l’OS sur une tablette que l’entreprise m’a prêtée. Microsoft a optimisé Windows pour les appareils à écran tactile, et même si j’ai rencontré quelques problèmes, j’ai écrit que l’OS pourrait bien être le «premier rival valable» à l’iPad d’Apple.
Mais je me demandais à l’époque comment Windows allait marcher sur les PC traditionnels. Jeudi dernier, Microsoft a lancé la pré-version de Windows 8—prototype final du logiciel avant sa mise sur le marché à la fin de cette année. Je l’ai utilisée pendant une semaine sur un ordi portable Samsung prêté par Microsoft, et maintenant je suis encore plus inquiet à l’idée que les machines non-tactiles vont devoir gérer le nouveau Windows. En utilisant Windows 8, je me suis senti presque complètement largué—confus, paralysé, en colère et, au final, résigné à la corvée de changer en grande partie mes méthodes de travail.
Microsoft a de bonnes raisons de changer Windows si radicalement—l’entreprise voit l’énorme popularité de l’iPad comme une considérable menace pour ses affaires, et avec le nouveau Windows va tenter de s’imposer en tête de la vague des tablettes. Mais Windows 8 n’arrive pas à guider ses utilisateurs à travers les énormes changements qu’il leur impose.
Beaucoup des éléments qui vont de soi dans les PC—le menu Démarrage, le gestionnaire de fichiers, les applis ouvertes les unes à côté des autres sous Windows—ont été radicalement changés dans le nouveau système d’exploitation. Certaines des tâches les plus élémentaires à accomplir vont nécessiter toute une rééducation.

Pétage de plombs

Si vous voulez une vue générale des changements et de leur impact, je ne peux que vous conseiller la lecture de «Fear and Loathing and Windows 8 [Horreur, malheur et Windows 8]» magistral post de blog de 7 400 mots rédigé par Michael Mace, entrepreneur en nouvelles technologies. Mais si vous manquez de temps, laissez-moi vous décrire l’une des multiples situations sous Windows 8 qui m’ont fait péter les plombs.
L’autre jour, j’ai voulu résilier un système de règlement de factures auprès d’une banque pour le remplacer par un nouveau système dans une autre banque. Pour ce faire, j’avais besoin de copier les informations concernant chacun de mes prélèvements pour les transférer d’une banque à l’autre—ce qui signifiait que je devais récupérer des informations sur deux pages Web distinctes.
Avec Windows 7 ou sur Mac, je l’aurais fait en ouvrant deux pages dans deux fenêtres côte-à-côte. Mais avec Metro, principale interface de Windows 8, ce n’est pas possible car toutes les applis occupent toute la largeur de l’écran. Je ne pouvais donc avoir devant moi qu’un seul site de banque à la fois, et je devais constamment faire l’aller-retour entre les deux (il est possible d’avoir plusieurs fenêtres ouvertes dans l’appli «desktop» de Windows 8, qui est au fond une imitation de Windows 7 dans le nouvel OS. Mais il est clair que Microsoft a bien l’intention que la nouvelle interface devienne le principal moyen d’utiliser Windows, j’ai donc tenté de m’en servir au maximum).

De la tablette au trackpad

Devoir faire de constants allers-retours était déjà bien assez agaçant. Mais les efforts à déployer pour passer d’une page à l’autre étaient pires encore. Si vous utilisez une tablette tactile, passer d’une page Web ouverte à l’autre nécessite de balayer le haut de votre écran pour faire apparaître les icones de vos onglets ouverts, puis de taper sur l’onglet que vous voulez—balayer-taper, cela semble déjà bien trop pour une simple saisie de données. Or c’est bien pire avec un trackpad.
Pour faire apparaître la liste des onglets ouverts dans le navigateur de Windows 8, vous devez toucher le trackpad avec deux doigts, ensuite revenir à un seul doigt pour choisir l’onglet que vous voulez. Ca n’a l’air de rien, mais quand il faut le faire une demi-douzaine de fois en une minute, la chorégraphie devient vite lassante. Les choses se sont particulièrement compliquées quand j’ai voulu commencer à sélectionner et copier entre deux passages d’un onglet à l’autre.
Alors là, pour une raison qui m’échappe, mes doigts faisaient souvent apparaître la barre d’onglets au lieu de sélectionner du texte, ou l’inverse. C’était un tel bazar que j’ai fini par abandonner et décidé de faire mon transfert de comptes sous Windows 7.

Les utilisateurs n'aiment pas le changement

Microsoft s’attend clairement à ce que Windows 8 suscite des réticences. Le mois dernier, Jensen Harris, directeur de la gestion de produits pour l’équipe responsable de l’expérience utilisateur de Windows, a écrit un long post de blog dans lequel il détaille tous les changements de Windows au cours des 27 dernières années—et comment les utilisateurs ont toujours détesté ces changements jusqu’à ce qu’ils apprennent à les aimer. «Une des choses que j’ai essayé de faire comprendre, c’est que les gens ont le droit d’avoir des opinions très arrêtées sur le changement» m’a confié Harris la semaine dernière.
«À chaque fois que l’on change une interface utilisateur, cela suscite une sensation viscérale—ça fait démarrer au quart de tour
Mais il a ajouté que lors de tous les tests menés par Microsoft, l’entreprise a constaté que le public arrive à surmonter ces premières impressions. Selon Harris, «les gens s’adaptent au changement».
C’est ce que nous verrons. Comme je l’ai écrit en février, il y a beaucoup de choses appréciables dans Windows 8, surtout avec du matériel tactile. Sa page Démarrage en particulier, qui remplace les minuscules icônes par des «tuiles vivantes» montrant des informations sur chacun de vos programmes, accélère l’exécution de nombreuses tâches (pas besoin de cliquer sur l’appli Météo pour savoir quel temps il va faire—elle est déjà sur la page d’accueil de votre machine).
Le choix de Microsoft de ne rendre disponibles les applis Windows modernes que dans une boutique centralisée—plutôt que de les laisser télécharger de n’importe où sur Internet—devrait permettre une pratique bien plus sécurisée. Mais je me demande si Microsoft est conscient que des foules d’utilisateurs de Windows vont se révolter contre cette nouvelle interface.
Si Microsoft veut préserver et étendre l’hégémonie de son système d’exploitation, il va devoir leur tenir la main pour les guider à travers tous ces changements, peut-être avec davantage d’instructions apparaissant à l’écran et une vaste campagne médiatique. Mais même cela pourrait ne pas suffire. Certes, les gens s’adaptent au changement—mais pas à tous les coups.
Farhad Manjoo
Traduit par Bérengère Viennot

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