dimanche 9 septembre 2012

Surfer la vie... et comment survivre dans une société fluide


Dans son nouveau livre Surfer la vie, qu'on aurait tort de remiser trop vite au rayon développement personnel, Joël de Rosnay, auteur également de Demain, la révolution du pronétariat, démontre que notre société est en train de changer de visage. Non plus fondée sur des rapports de force mais sur des rapports de flux, non plus guidée par l'individualisme exacerbé mais sur la nécessaire solidarité... Elle devient fluide. 


J'ai souhaité utiliser la métaphore du surf pour illustrer mes propos, mais le surf n'est pas vraiment le fil rouge de toute ma vie. En réalité, c'est le sport en général et la complémentarité entre les sports (ski, surf, catamaran...), qui représentent autant d'éléments indissociables de ma vie. Le mot clé du surf c'est la glisse. Un mot que je tiens de Jean-Claude Killy qui désignait ainsi les bons descendeurs (ceux qui savaient glisser...). Avec mon frère  Arnaud de Rosnay, nous avons été les premiers à relier cette image de la glisse aux « éco-sports ». Nous avons associé à la glisse, et en particulier au surf et à la vague, le mouvement de la vie, c'est-à-dire l'aléatoire, l'imprévu. Un monde à la fois déterministe et libertaire auquel il faut s'adapter en permanence.

A mes yeux, le surf est également associé à l'intensité, au bonheur, au plaisir et à la joie. Autant de notions indissociables de ma conception de la vie. La joie est cette émotion intense qui survient quand on admire un paysage extraordinaire, quand on parvient au sommet d'une montagne, ou quand on surfe la vague de sa vie... Le bonheur est très différent. C'est une émotion propre à chacun et le bonheur de l'un n'est pas forcément le bonheur de l'autre... D'ailleurs, personne ne peut promettre de vous rendre heureux et, le bonheur n'est pas toujours lié au fait d'être heureux. Mais être heureux est intimement lié à l'intensité de l'instant, au plaisir, au partage avec les autres.

PASSER DU RAPPORT DE FORCE AU RAPPORT DE FLUX
Je suis persuadé que la génération des surfeurs du Net, la NetGen, va nous obliger à sortir du pouvoir pyramidal et rigide des sociétés anciennes pour évoluer vers une société qui donnera davantage de place à l'altruisme intéressé ou à un « altruisme réciproque ». Une expression qui semble paradoxale : c'est tout le concept de win-win (gagnant/gagnant) et de la co-opétition. Dans mon livre, je parle de la complémentarité et aussi de l'opposition entre les rapports de force et les rapports de flux. Les rapports de force incarnent l'affrontement. Il est impossible de s'en sortir autrement que par une escalade. Les rapports de flux, en revanche, sont continus. La « société fluide » à laquelle j'aspire repose sur ces rapports de flux, qui peuvent être des rapports d'information, de culture, de savoir, d'amour, d'empathie, de solidarité, de générosité, d'échange.

Dans mon livre, Surfer la vie , j'ai fait référence à plusieurs penseurs que j'admire depuis longtemps, pour mettre en lumière les sept valeurs auxquelles je crois (l'empathie, l'altruisme, le respect de l'autre, le respect de la diversité, la responsabilité, l'amour fraternel et la spiritualité laïque) pour surfer la vie et construire une vie digne de sens.
Je crois avoir écrit un livre à consonance philosophique ; j'ai souhaité exprimer ma « weltanschauung », ma conception du monde selon ma sensibilité. Celle-ci englobe la science avec les nouvelles découvertes sur le cerveau, la génétique (notamment l'épigénétique) ou la biologie de synthèse. Autant de sujets que j'ai traités beaucoup plus en détail dans mes précédents livres. Dans Surfer la vie, mon idée est d'essayer de répondre à la question : quel sens donnez-vous à votre vie ?

La spiritualité est une réponse parmi d'autres, mais elle est certainement l'un des plus grands accomplissements de la vie. Mais elle a été trop longtemps associée à la religion. Pour moi, le grand mystère est l'unité de la nature, l'un des thèmes de mon prochain livre. Et dieu dans tout ça ? Je m'interroge sur la relation entre le Le Big Bang et le point Omega de Pierre Teilhard de Chardin qui pensait que la matérialité allait se transformer en spiritualité, en un « esprit pur » créé par tous les hommes au cours du temps. Ce qui m'intéresse, c'est ce qui se situe entre les deux : le temps. Qu'est-ce qui crée le temps ? En acquérant de l'information, les hommes créent de l'entropie, du désordre, mais « investissent » dans un « capital temps » qu'ils transmettent aux autres. Si l'on contracte le temps, le Big Bang et le point Omega se confondent. En d'autres termes, une explosion d'énergie peut être fusionnée avec une implosion d'esprit. Un instant d'une prodigieuse intensité peut devenir l'éternité ! ».


 
 Joël de Rosnay, docteur ès sciences, est écrivain scientifique et futurologue. Il a été chercheur au Massachusetts Institute of Technology, directeur des applications de la recherche de l'Institut Pasteur, directeur de la stratégie de la Cité des sciences et de l'industrie et co-fondateur du journal citoyen en ligne Agoravox.

Il est aujourd'hui président exécutif de Biotics International et conseiller de la présidente de la Cité des Sciences et de l'Industrie.

Joël de Rosnay s'intéresse particulièrement aux technologies avancées et aux applications de la théorie des systèmes. Auteur de nombreux ouvrages dont Le Macroscope, le Cerveau Planétaire, L'homme symbiotique... Il publie le 16 mai prochain,  Surfer la vie. Comment sur-vivre dans une société fluide aux éditions LLL, Les Liens qui libèrent.

Joël de Rosnay a été parmi les premiers auteurs à insister sur les risques du réchauffement climatique dans son livre « Le Macroscope » publié en 1975. En 1980, dans le cadre du Comité d'action pour le solaire (CAS), il a contribué à rédiger le « Manifeste pour une France solaire ». En plus de ses fonctions à la Cité des Sciences, il est actuellement conseiller du Premier Ministre de l'Ile Maurice pour le projet « Maurice, île durable » ayant pour objectif de rendre le pays autonome en énergie, grâce aux énergies renouvelables, au cours des vingt prochaines années.

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