dimanche 16 juin 2013

Dirigeants : surfez sur les réseaux sociaux pour ne pas vous laisser emporter par la vague !

Risques boursiers, marketing, juridiques ou d’image. Plutôt que de voir sa réputation chahutée par la caisse de résonance des réseaux sociaux, le dirigeant peut choisir de s’engager préventivement sur les réseaux sociaux.

Dirigeants, réseaux sociaux
Crédits photo : shutterstock.com
Les dirigeants doivent être présent sur les réseaux sociaux. Mais prudence...
« On s’en fout du procès ». Murmurée devant une caméra, cette phrase est devenue très audible avec sa diffusion en boucle sur la chaîne d’informations qui l’avait capturée, puis rapidement par la reprise de la vidéo dans la presse en ligne et sur les réseaux sociaux. Jetant l’opprobre sur celui qui l’avait prononcée, Jacques Servier, à la veille du procès du Mediator.

 



« Avec Georges Moustaki, c’est une des dernières légendes, artiste et poète, qui disparaît ! Ses plus grands succès sont chez Universal ! RIP ». Envoyé sur Twitter par Pascal Nègre, PDG d’Universal Music France, ce message daté du 23 mai a été repris 800 fois depuis sur le réseau social. Les utilisateurs ne voulaient pas marquer ainsi leur adhésion au contenu du tweet, mais au contraire pointer leur désapprobation ou clouer au pilori électronique l’auteur des propos. La polémique a aussi fait naître un hashtag #tweetcommepascalnegre pour agréger les messages caricaturant l’hommage au chanteur disparu, et donné lieu à des articles dans la presse.


 

« France is the evil empire stealing technology and Germany knows this ». Cette confidence de Berry Smutny, DG du fabricant de technologies pour satellites OHB-System, était destinée aux seuls diplomates américains qui se trouvaient avec lui à Berlin dans une réunion en 2009. Retranscrite dans l’un des 250.000 télégrammes diplomatiques publiés par Wikileaks, cette phrase a valu à ce dirigeant d’être suspendu puis non renouvelé par son employeur. En 2011, le directeur de la création de Dior fut lui aussi suspendu, sur la seule foi d’une vidéo réalisée par un particulier sur un smartphone, puis licencié.

Avec la multiplication des supports d’enregistrement, des canaux et relais d’information officiels ou officieux, tout propos de dirigeant – pas seulement un dérapage, mais une simple phrase incomprise ou sortie de son contexte – peut être repris de manière virale, même quand il n’avait pas vocation à être public.

Le dirigeant est un média

Cédric Manara, Edhec, Internet, Dirigeant
Cédric Manara est professeur, spécialiste des questions Internet, à l'EDHEC Business School.
La question n’est donc plus de savoir si la foudre peut tomber, mais où et comment elle va frapper ! La puissance de réaction en ligne aux propos d’un DG peut affecter, temporairement ou sur le long terme, le cours de bourse de sa société ou la perception de la marque. Le PDG de la marque Abercrombie a dû s’expliquer après qu’un article de Business Insider début mai a exhumé une interview de 2006 où il disait ne viser que les « good-looking people » quand il vend ou recrute.

La mémoire du web fait aussi ressortir des phrases qui peuvent être utilisées en justice, par les concurrents ou les salariés : Carrefour a ainsi exploité un billet du blog de Michel-Edouard Leclerc dans une action en publicité mensongère (tribunal de commerce de Paris, 29 mars 2007), un employé de la SNCF a soutenu qu’un billet du blog du de Guillaume Pépy montrait que l’entreprise entendait favoriser dans ses recrutements des jeunes issus de quartiers difficiles, ce qui constituerait une pratique discriminatoire (Conseil d’Etat, 5 janvier 2006). Ces exemples ne sont pas isolés.

Au-delà de la réputation de l’entreprise dont il est le mandataire social, le dirigeant qui engage aussi sa réputation personnelle peut en pâtir alors qu’il est approché pour occuper d’autres fonctions, ou plus simplement s’il doit consacrer du temps à se défendre ou s’expliquer. Faut-il alors condamner les dirigeants au silence ?

Les médias sociaux au service du dirigeant

C’est l’option qu’avait choisi la banque Lazard quand elle a recruté Bruce Wasserstein en 2008. Sachant qu’il s’agissait d’un fort en gueule, l’institution de Wall Street a mis dans son contrat une clause l’obligeant à s’abstenir de tout commentaire ou toute déclaration dénigrant la société, sa réputation, ses partenaires, salariés, etc. Ce qui ne protège pas le dirigeant contre lui-même ! Ce qu’a fait cette banque il y a cinq ans peut-il servir de modèle aujourd’hui ?

Avec la popularité des réseaux sociaux, les sociétés – en particulier celles natives du web, moins complexées – demandent plutôt à leurs dirigeants d’être présents aussi sur ce terrain. À la lumière des exemples évoqués précédemment, on pourrait craindre que cette prise de parole spontanée, à la première personne, augmente les risques d’exposition, tant pour la structure que pour son représentant. L’observation montre pourtant que cette « présence sociale » contribue à casser la communication institutionnelle, et modifie la façon dont les propos sont reçus par la proximité qu’elle fait naître. Surtout, elle permet de traiter un problème à la source : émettre depuis un réseau social un message sans percevoir qu’il peut être mal compris par l’audience permet de réaliser qu’il suscite l’émoi, et de le corriger rapidement avant qu’il ne se propage au-delà et devienne alors irrattrapable.

Cela suppose toutefois de comprendre les codes et usages du réseau social – notamment accepter d’y être interpellé. Pour un dirigeant, être présent sur ces réseaux c'est quitter le piédestal que lui offre sa fonction. Pas toujours facile à accepter mais mieux vaut embrasser l’outil que le craindre ! En acquérir la maîtrise participe du savoir-faire dans la gestion de la réputation du DG et de la communication de sa société. Comme dans les autres fonctions du dirigeant, l’engagement est la condition du succès !

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