vendredi 7 juin 2013

Le tweet de Jean-François Kahn - Elle est de taille, la vraie information du jour

Kahn Taille 
 
Il n’y en a, aujourd’hui, que pour quelques skinheads tarés qui, aujourd’hui comme hier, n’en sont pas à un crime abominable près. En revanche, sur cette autre information de taille, énorme même, pas un seul gros titre dans les grands quotidiens, aucune ouverture de journaux télévisés: le FMI vient de reconnaître solennellement que le fameux "plan de sauvetage" de la Grèce du 11 mai 2010 accumula tant d’erreurs qu’il provoqua une catastrophe.

Jean-François Kahn
Elle est de taille, la vraie information du jour
Or, à l’époque, vous en souvenez-vous, Nicolas Sarkozy ayant proclamé que c’était lui, et lui seul, qui avait eu l’idée de cette solution miracle, l’annonce en fut accueillie par une standing ovation quasi générale.
Jean-François Copé se fendit d’un communiqué, qui mérite de figurer dans les manuels d’histoire, "grâce à l’impulsion décisive de Nicolas Sarkozy, un accord salvateur a été trouvé. Le président a, une nouvelle fois, fait preuve de sa capacité d’entraînement et de détermination pour sauver la Grèce et l’ensemble de la zone euro!".
Comme j’avais osé (car je sévissais encore dans le journalisme) souligner l’absurdité et la dangerosité de ce montage (assorti d’une potion qui ne pouvait qu’achever la Grèce), on me jeta évidemment à la figure l’accusation d’anti-sarkozysme primaire.
Réfléchissons-y: au lieu d’isoler, puis d’étouffer, un départ de feu, on avait décidé d’européiser l’incendie. Mais il fallait applaudir. Pour affronter une crise de la dette, on s’endettait ; pour garantir des emprunts, on empruntait ; on combattait l’incendie en l’arrosant d’essence. Mais il fallait applaudir.
Pourquoi cet enthousiasme? Parce qu’on avait transformé une citrouille en carrosse. On avait sorti du chapeau mieux qu’un lapin blanc, un "Fonds européen de stabilité financière" doté de 450 milliards d’euros. Fastoche! Vous êtes étranglé financièrement, vous ne pouvez plus payer vos fournisseurs ou votre loyer: vous n’avez qu’à créer un "Fonds de stabilité". Pas plus compliqué que ça. Le déficit de la Sécu? Mais c’est trop bête, il suffit de créer un "Fonds de stabilité"!
Triomphe du théorème du Sapeur Camembert: on lui demande de combler un trou dans la cour d’une caserne. Pour se faire, il a besoin de terre. Pour l’obtenir, il creuse un trou. Grâce à quoi, il comble cette béance, mais il y a toujours un trou.
En fait, les sommes évoquées n’existaient pas (tous les pays concernés étant en déficit), elles étaient "potentielles", "virtuelles", elles avaient pour fonction, comme la force de frappe, de dissuader toute velléité de s’en servir. Mais comme, en fait, il a fallu s’en servir, elles se révéleront insuffisantes et on ne cessera de creuser d’autres trous. (En conséquence de quoi, l’Europe est aujourd’hui menacée d’une explosion de la bulle constituée par cette accumulation d’obligations et de bons du Trésor).
Au moins l’intention était-elle généreuse? Tu parles! Il s’agissait de voler au secours de nos banques les plus encombrées d’obligations souveraines grecques (ce qui, d’ailleurs, n’empêcha pas un semi défaut!). Et, en prime, on prêta à 6% ce qu’on empruntait à 3%.
Enfin, et surtout, les mesures d’austérité imposées à la Grèce (sans qu’on ne l’oblige, en revanche, à faire payer ses armateurs, à taxer son Eglise orthodoxe et à diminuer ses dépenses d’armements dont nous profitons largement) provoquèrent une telle récession que le manque à gagner dépassa très largement les économies obtenues grâce aux sacrifices exigés de la fraction la moins favorisée de la population. Et, là encore, les trous se creusèrent.
Rappelons que les socialistes et le MoDem approuvèrent cette folie.
Sarkozy va-t-il reconnaître sa responsabilité, esquisser une autocritique? Les socialistes vont-ils regretter leur assentiment? Les médias qui affichèrent un tel enthousiasme vont-ils admettre leur erreur? Va-t-on se demander comment on a pu cautionner une telle foutaise?
Qui le croit?
Lire aussi » Crise grecque : Lagarde reconnaît les erreurs... de DSK
Le tweet de Jean-François Kahn, qu'est-ce-que c'est? Jusqu'ici l'écrivain et co-fondateur de Marianne était resté à l'écart du Web et des réseaux sociaux, mais il fallait se lancer! Depuis novembre dernier, Jean-François Kahn publie chaque jour un court texte sur Le HuffPost, également relayé sur son compte Twitter.
Pour le suivre sur Twitter: @JF_Kahn.
Jean-François Kahn a récemment publié L'invention des Français, du temps de nos folies gauloises chez Fayard et Comment s'en sortir chez Plon.

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