mercredi 26 juin 2013

Les SSII (nouvelles ESN) face au principe de réalité

Les SSII changent de dénomination pour devenir des Entreprises de Services Numériques (ESN). Cette ambition et cette projection positive vers les nouveaux modèles de services en lien avec la numérisation de notre économie, devront également intégrer les enjeux liés à la transformation de modèles économiques hérités du passé.

Les prévisions de croissance pour l’année 2013 à peine au-dessus de 0% ainsi que les résultats des SSII en 2012 (-1,7%, une baisse de volume de 450M€…soit l’équivalent de la taille d’une SSII top 20) ne devraient pas inciter leurs dirigeants à l’optimisme …A moins d’avoir de bonnes raisons de le faire. En effet lorsque les conditions de marché sont durablement difficiles comme c’est le cas depuis quelques années les écarts de performance se creusent entre les acteurs. Dans un marché en tension comme celui des services informatiques en 2012, les entreprises qui ont réalisé de la croissance organique, l’on fait en prenant des parts de marché à leurs concurrents.

Blâmer les seules conditions économiques pour expliquer le niveau moyen voire médiocre de résultats des SSII c’est ne pas reconnaître que le marché des services informatiques est en train de se transformer. Derrière la crise conjoncturelle se profile en effet un changement structurel qui impacte durablement les modèles d’affaires des SSII. Face à cette situation, les dirigeants de SSII doivent impérativement se poser une question similaire à celle posée par Morpheus à Néo dans le film Matrix : quelle pilule choisir, la bleue ou la rouge ?

Choisir la pilule bleue, c’est penser que faire le gros dos face à la crise en comprimant les coûts et optimisant le niveau d’activités permettra de traverser celle-ci et atteindre ainsi des jours meilleurs.

Prendre la pilule rouge, c’est tout d’abord pour beaucoup de SSII reconnaître que leur modèle d’affaires doit évoluer à travers l’ensemble de ses composants : positionnement des offres de services et des secteurs d’activités, organisation et conduite des opérations allant du commercial à la production. En effet le marché des services informatiques se polarise entre les services de masse où la concurrence par les prix est la règle du jeu, et les services à valeur ajoutée de l’autre où la différentiation doit être comprise et valorisée par les clients. Beaucoup de SSII aujourd’hui fonctionnent sur la base d’un modèle qu’elles prétendent être celui de « multi-spécialiste », mais qui est en réalité un habillage d’un portefeuille d’activités de généraliste, le tout promu avec des messages marketing passe-partout.

Prétendre être compétitif et offensif dans la mise en place de centre de services et la livraison de projets au forfait, alors que l’essentiel de l’activité est porté par des prestations d’assistante technique classique, c’est consciemment ou inconsciemment avoir choisi de prendre la pilule bleue. La juxtaposition des modèles d’affaires au sein des SSII conduit inévitablement à complexifier l’organisation et la conduite des opérations. Et puis en informatique c’est comme dans les sports de ballon, être bon en football, ne vous prédispose pas à le devenir également en rugby, ni à fortiori à pratiquer les deux sports simultanément à bon niveau.



Car après la première étape de la prise de conscience sur la nécessité de transformer les modèles d’affaires existants, la prise de la pilule rouge doit en effet conduire les dirigeants à se poser la question de leurs équipes de managers : sont-ils capables de mener à bien les transformations nécessaires ?

Tout d’abord, ont-ils le temps et la focalisation pour le faire ?  La pression permanente sur les coûts exercée ces dernières années n’a pas été propice à l’augmentation de la capacité de management au sein des SSII mais plutôt à conduire les acteurs en place à devoir cumuler beaucoup de chapeaux différents sur une même tête.

Ensuite, autre question cruciale : les équipes de managers ont-ils la capacité et les compétences requises pour le faire ? Changer, transformer, innover est un art bien différent que celui d’optimiser un modèle opérationnel en place. Recruter est sans doute une option, mais à l’instar de l’équipe de football devant devenir une équipe de rugby, il s’agit au départ, non pas de recruter des joueurs de rugby, mais un entraineur de rugby et son équipe d’assistants, en étant prêt à lui laisser le temps d’entrainer l’équipe en place et donc accepter de pauvres résultats en match.

Beaucoup de dirigeants de SSII renâclent à faire appel à ces entraineurs qu’ils soient recrutés ou loués à l’extérieur. La première barrière est culturelle : ils n’ont pas eu à le faire historiquement et se sont toujours débrouillés sans. La deuxième difficulté est d’ordre économique : la facture à payer est d’autant plus lourde que les résultats sont mauvais. Là est sans doute une des questions les plus critiques pour les dirigeants de SSII : comment financer la transformation de leurs entreprises ?

La cession d’une partie des activités existantes est sans doute la voie qui offre le plus d’avantages sur le papier car elle permet en plus de simplifier le modèle d’affaires existant. Encore faut-il trouver un repreneur et que le découpage suivant les pointillés soit possible. Inversement, l’achat d’une structure plus spécialisée et déjà positionnée sur les nouveaux modèles d’affaires est également une voie possible car si elle est adroitement gérée, elle permet de mettre le pied à l’étrier plus rapidement.

Ici nous touchons à un aspect quasi schizophrénique du mental des dirigeants de SSII : si vous les interrogez, ils se prétendent tous à la fois vendeur (si le prix est le bon, bien sûr) et acheteur (cela permet de compenser la difficulté de réaliser de la croissance organique sur les marchés ayant un avenir). Cette dualité, qui semble d’un opportunisme de bon aloi au premier regard, est néanmoins peu propice à l’adoption d’une posture managériale stable dans la durée reposant sur une stratégie réfléchie de vendeur ou d’acheteur, et en outre les oscillations résultantes sont inévitablement perturbatrices pour les équipes de managers en place.

Les marchés financiers et leurs acteurs, ont également pris au départ une pilule bleue et ont valorisé durant le boom des années internet le potentiel de création de valeur des SSII en dehors de toute réalité industrielle. Ils ont depuis remis les pieds sur terre et une grande majorité de cours de SSII qui déjà évoluaient à des niveaux historiquement bas, ont connus des décotes de 25 à 35% durant ces douze derniers mois. Cela voulant dire que les stratégies des SSII inspirées par la pilule bleue ne convainquent plus les marchés financiers. Il est donc grand temps pour les dirigeants de SSII de commencer à prendre la pilule rouge…


Arnold Aumasson
Senior Vice Président



Vincent Gelineau
Principal Consultant

Pierre Audouin Consultants (PAC) :

De la stratégie à l’exécution, PAC apporte des réponses objectives et ciblées aux défis posés par l’essor du secteur des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC).
Fondée en 1976, PAC est une société de conseil et d’études de marché spécialisée dans le domaine du logiciel et des services informatiques.
PAC aide les fournisseurs de services informatiques à optimiser leur stratégie à travers des analyses quantitatives et qualitatives ainsi que des prestations de conseil opérationnel et stratégique. Nous conseillons les DSI et les investisseurs dans l’évaluation des fournisseurs TIC et dans leurs projets d’investissements. Les organisations et les institutions publiques se réfèrent également à nos études pour développer leurs politiques informatiques.

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