vendredi 7 juin 2013

L’Europe en crise face à la montée des droites radicales

Difficile de ne pas y penser. L’agression mortelle contre Clément Méric en plein cœur de Paris évoque aussitôt les images disparates venues d’ailleurs en Europe, des nervis d’Aube dorée en Grèce faisant la chasse aux migrants, à la nébuleuse néonazie de l’est de l’Allemagne, ou au délire criminel d’Anders Breivik en Norvège.

Manifestants d’extrême droite en Espagne (Blog de Xavier Casals via Global Voices)

A travers l’Europe, on assiste depuis quelques années, dans un climat de crise économique, sociale, et souvent identitaire, à l’inquiétante montée en puissance d’une frange d’extrême droite radicalisée, qui prospère à côté de partis populistes ou à l’ancrage d’extrême droite plus ancien, comme le Front national de la famille Le Pen.
Nous racontions, il y a seulement quelques jours, ces histoires insupportables de migrants agressés en Grèce : 154 « incidents de violence raciste contre des réfugiés et des migrants » en 2012, selon un réseau de recensement de la violence raciste.
Un migrant soigné par Médecins du monde en Grèce. (Médecins du monde)

Dérive vers le nazisme

Le mois dernier, j’animais un débat dans une salle parisienne autour du film « Guerrières » du cinéaste allemand David Wnendt, qui met en scène le quotidien de Marisa, une jeune néonazie de l’est de l’Allemagne. Le même jour, coïncidence troublante, s’ouvrait à Munich le procès de Beate Zschäpe, 38 ans, accusée de neuf meurtres xénophobes entre 2000 et 2006, et de l’assassinat d’une policière en 2007.
« Guerrières » est un film dérangeant, qui montre la dérive vers le nazisme d’un groupe de jeunes désœuvrés, marginalisés dans l’Allemagne réunifiée, et pour qui l’étranger devient le bouc émissaire idéal. Le film commence par un tabassage d’un couple vietnamien dans un train allemand ; il aurait pu s’agir d’un Afghan en Grèce.
Au cours du débat qui suivit la projection surgirent en vrac les questions qui reviennent ce jeudi matin après l’agression contre Clément Méric :
  • Quelle est l’ampleur du phénomène, marginal ou en croissance ?
  • Quelles passerelles entre l’extrême droite « classique » type FN et cette frange violente ?
  • Quel lien réel entre la crise économique et les politiques de rigueur, et cette montée de ces groupes radicaux ?
Ce qui unit ces groupes disparates, c’est notamment l’hostilité vis-à-vis de l’islam, perçu comme une menace à une identité européenne fragilisée par la crise. Exemple, repéré par Global Voices, avec cette vidéo de la Plateforme pour la Catalogne au cours de la dernière campagne électorale espagnole.



Mouton noir

Boutons le mouton noir hors de notre beau pré blanc ! (Affiche de l’UDC)

Il y a quelques années, l’Union démocratique du centre (UDC), le parti populiste suisse, avait utilisé la même veine xénophobe avec son affiche sur les moutons blancs boutant le mouton noir hors de leur pré... L’UDC contrôle aujourd’hui un quart des sièges au Conseil national suisse.
En Norvège, le Parti du progrès, formation populiste, avait obtenu plus de 22% des voix aux élections 
de 2009, et Anders Breivik, l’auteur du massacre de l’île d’Utøya, avait milité plusieurs années dans ses rangs avant de passer à l’acte.

Une majorité d’Etats européens, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Union européenne (la Suisse et la Norvège n’en font pas partie), ont aujourd’hui une composante d’extrême droite ou populiste dans leurs représentations nationales ou locales.

Tous ces partis, relève Global Voices, ont une idéologie commune : un profond euroscepticisme, l’hostilité envers l’immigration et les minorités, le racisme, la xénophobie et un nationalisme radical. Ils se retrouvent tous dans un discours populiste, qui propose des solutions simples – en apparence seulement – souvent en contradiction avec les droits de la personne.

Réponse européenne

Chaque pays a bien sûr son histoire, son passé, ses forces politiques et ses fragilités, qui empêchent de globaliser. Les néonazis sont présent au Parlement grec, qui a subi l’occupation nazie pendant la guerre, mais pas en Allemagne... Les ultranationalistes catalans ou flamands détestent-ils plus les immigrants extra-européens, ou leurs « cousins » du même pays ? Etc.

En revanche, parmi les points communs, les pays européens partagent l’impact de la crise économique, même vécu différemment, que l’on soit grec ou finlandais, les chocs culturels et sociaux de l’intégration de l’immigration extra-européenne, comme on vient de le voir à Stockholm, et un doute profond sur la place de l’Europe et de son modèle dans un monde multipolaire qui bouleverse la hiérarchie des nations et des cultures.

La réponse à cette crise multiple ne peut être ni le repli national, qui ferait le lit de ces nationalismes renaissants, ni la poursuite de ces politiques de rigueur extrême, qui font des peuples les premières victimes d’une crise systémique.

Une réponse européenne crédible est-elle possible, qui redonnerait un cap et un espoir au lieu de laisser prospérer ceux qui font leur miel des malheurs collectifs ? Quelles que soient les circonstances exactes de l’agression contre Clément Méric, cette question se pose avec urgence et gravité.

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