mardi 29 octobre 2013

La dépression, un accident du travail comme un autre ?


De plus en plus de dossiers sont soumis à la justice en vue de faire reconnaître la dépression d’un salarié comme accident du travail. Cette qualification est possible, mais à des conditions très précises. Le point avec Maya Gédéon, avocate au Barreau de Paris, spécialisée en droit du travail.


Quelle est la définition de l’accident de travail ?

La dépression doit être causée par un fait précis, survenu à une date certaine, et doit être exclusivement liée au travail. Prenons le cas d’un ouvrier qui tombe d’une échelle et se casse le bras : l’accident du travail est bien la chute de l’échelle, qui entraîne la fracture du bras – la lésion. Dans le cas d’une dépression, le juge va rechercher quel est le fait précis, « l’accident » qui a entraîné la dépression du salarié, l’équivalent de la lésion. A ainsi été reconnue comme accident du travail une dépression survenue juste après un entretien d’évaluation, au cours duquel l’employeur avait tenu des propos humiliants à l’égard de son salarié. « L’accident » déclencheur, dans ce cas, était bien l’entretien d’évaluation.

Comment les conditions de travail peuvent-elles être prises en compte ?

Si une dépression survient à la suite d’une série d’événements ou de faits ou d’une détérioration progressive des conditions de travail du salarié, celle-ci ne pourra pas être considérée comme accident du travail, en l’absence de « fait précis survenu à une date certaine ». La jurisprudence nous donne le cas d’un suicide bien lié à des difficultés professionnelles du salarié, mais qui n’a pas été reconnu comme accident du travail car il était consécutif à une dégradation collective de l’atmosphère de travail. Un salarié victime d’une dépression à la suite d’un ensemble de difficultés au travail ne pourra donc pas demander la reconnaissance de sa maladie comme accident du travail.

Y a-t-il d’autres solutions pour faire reconnaître sa maladie ?

Si la dépression est réellement liée à sa vie professionnelle, sans cause personnelle, le salarié peut alors demander la reconnaissance pour maladie professionnelle. Mais la procédure est, là encore, très encadrée : il faut apporter la preuve que seul le travail est à l’origine de la dépression – ce qui n’est pas simple dans les faits –, mais il faut aussi que l’incapacité du salarié atteint de dépression soit supérieure à 25 %.

Dernière solution, souvent utilisée dans les cas de harcèlement moral : le salarié peut recourir à la « prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur ». Concrètement, il s’agit d’une démission que le salarié va ensuite tenter de faire requalifier devant le juge comme licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce qui lui ouvre droit à des indemnités et, éventuellement, à des dommages et intérêts. Mais, là encore, le salarié doit avoir un dossier solide pour faire la preuve que l’employeur a mal agi à son égard, sans répondre à son « obligation de sécurité de résultat concernant la santé physique et mentale du salarié » (article L4121-1 du Code du travail).

Propos recueillis par Marie-Pierre Noguès-Ledru
Avril 2011

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