dimanche 6 octobre 2013

Pourquoi l’entretien annuel d’évaluation ne marche pas ?

LE CERCLE. Dans un article publié dans The Psychological Bulletin, les psychologues Kluger et Denisi détaillent les résultats d’une méta analyse de 607 études sur le système d’évaluation de la performance et concluent qu’au moins 30 % des entretiens annuels d’évaluation conduisent à une baisse significative de la performance du collaborateur.

Une autre étude de la Society for Human Resource Management (SHRM) démontre que dans plusieurs pays, l’entretien annuel d’évaluation est vécu comme stressant et n’apportant rien pour 90 % des participants de l’étude… et que par ailleurs, ce système ne produit qu’un très petit nombre de résultats positifs pour l’amélioration de la performance.
Comment comprendre ces résultats ? 
La psychologie nous apprend que le cerveau résiste aux critiques pour préserver l’estime de soi. Les recherches montrent qu’une grande majorité d’entre nous dénie les informations étant en contradiction avec l’image positive que l’on se fait de soi-même. Nous avons tendance à changer la représentation mentale de la critique, en l’attribuant au contexte plutôt qu’à son propre comportement.
En fait, nous avons un plus grand besoin psychologique de retours positifs que négatifs pour préserver notre estime de soi. En cas de critique, les études en neurosciences montrent que notre cerveau se modifie, créant une clôture cognitive nous empêchant d’appréhender l’information donnée par le manager.
Par ailleurs, le système d’évaluation annuelle s’est construit dans un environnement de travail où le contrôle des individus était central. Dans un milieu du travail de plus en plus collaboratif, basé sur l’entrepreneuriat interne, cette perspective fait de moins en moins sens.
Alors pourquoi cette pratique perdure-t-elle ?
Depuis de nombreuses années que j’observe le monde du travail et que je lis des recherches académiques sur l’intérêt des entretiens annuels d’évaluation, un seul constat s’impose : ils ne servent bien souvent qu’à mesurer le niveau de "confort" relationnel d’un manager vis-à-vis d’un collaborateur. De manière subjective, cette pratique repose sur plusieurs principes erronés.
- Première erreur de raisonnement : on peut objectiver le travail et le comparer
Plusieurs erreurs se logent dans cette croyance. La réussite, c’est un mélange d’efforts et de chance. On a souvent plus de réussite lorsque la situation (par chance) est plus simple à résoudre. En fait, un système qui ne récompense que la réussite et non l’effort, pousse à tricher sur les résultats. Il en est ainsi pour obtenir la reconnaissance de son manager.
- Deuxième erreur de raisonnement : il faut évaluer pour donner envie aux salariés de se dépasser
En fait, c’est le contraire. La comparaison sociale va amener les meilleurs à tendre vers la performance moyenne du groupe, et les moins bons à se protéger activement. Ce qui encourage la performance c’est le soutien et la confiance du manager, son exemplarité et le fait de pouvoir compter sur le collectif de travail. Tout ceci repose sur le principe simple que l’on tend à s’améliorer dans un environnement qui apporte un minimum de défi et une bonne dose de sécurité psychologique.
- Troisième erreur de raisonnement : cela oblige le manager à faire du management
"Salut Marc. C’est Christophe. On peut faire ton EAE par mail ? Je suis vraiment sous l’eau en ce moment". Les managers le disent régulièrement : l’entretien annuel d’évaluation, c’est une injonction paradoxale de plus qu’ils font mal ou qu’ils évitent.
Comment demander à des managers en surcharge d’observer le travail réel de leurs collaborateurs et de leur en faire un retour "objectif" ? D’ailleurs, que penser d’un manager qui ne fait un feed-back qu’une fois par an ? La plupart du temps sur ce qui ne va pas ? D’ailleurs, connait-il encore le travail de ses collaborateurs ?
Essayer de comprendre régulièrement les obstacles que les collaborateurs rencontrent et comment ils arrivent à faire face sont une manière plus performante de maintenir la motivation et d’aider le collaborateur à tenir le cadre de la stratégie d’entreprise.
@MatthieuPoirot

 

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