vendredi 20 décembre 2013

La perte de sens dans la vie professionnelle est une pathologie liée à notre civilisation actuelle

Pour Pascal Chabot, philosophe, professeur à l'IHECS, à Bruxelles, un pouvoir excessif est donné aux entreprises dans nos sociétés. L'auteur de "Global burn-out" (Puf) incite à repenser le travail à partir des désirs et des besoins des individus.

Management : Comment expliquez-vous  cette crise du sens au travail ?
Pascal Chabot : Historiquement, notre société est la première à chercher un sens au travail. Autrefois, le sens venait de l’Eglise, de l’Etat, de la famille, de la nature… Il y a trente ans, le travail était encore une fonction. Aujourd’hui, c’est devenu un projet. Il faut «faire plus que le job» : assumer une tâche, apporter des idées, s’épanouir, créer… Chacun est placé face à l’injonction de trouver un sens à ce qu’il fait. Or tout le monde n’est pas outillé pour cela.

Management : Mais pourquoi cette nécessité de donner du sens au travail ?
Pascal Chabot : Face à la concurrence, les entreprises ont besoin de salariés autonomes. D’où la mise en place de formes de management qui instituent l’autonomie et l’implication. Pour les individus, il y a des avantages à cette situation. On n’est plus seulement un rouage, on peut aussi s’épanouir dans le travail. Le danger, c’est le pouvoir excessif donné à l’entreprise. Philosophiquement, il y a une contradiction insoluble entre le profit, l’urgence, la rentabilité d’un côté, et le sens, qui ne se construit que dans la durée et l’intime. Or la crise renforce sans cesse cette tension, et l’humain est de plus en plus malmené par l’organisation.

Management : Quelles peuvent en être les conséquences ?
Pascal Chabot : La limite, c’est le burn-out, la perte totale de sens. Paradoxalement, le burn-out touche d’abord les métiers à fort contenu humain, comme l’enseignement et la médecine. C’est là que la contradiction est la plus manifeste entre la rentabilité, la recherche d’efficacité et la donnée purement humaine qu’est le sens. Le burn-out,  ce n’est pas une dépression individuelle. C’est la pathologie d’une civilisation qui a érigé l’urgence en norme, ce qui entraîne une combustion des ressources. Il faut réinventer le travail à partir des désirs et des besoins humains.

propos recueillis par André Mora

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