mercredi 4 décembre 2013

Vivre Ensemble : entre richesse et pauvreté

04 déc. 2013 - 
Le Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) organise le 5 décembre au Palais d’Iéna, la troisième édition du Forum Vivre Ensemble. Cette année, le thème choisi « entre richesse et pauvreté » est l’occasion de dresser un état des lieux de l’opinion sur les inégalités, solidarités et menaces qui pèsent sur le vivre ensemble. De quoi lancer le débat !

Pour les Français : les inégalités sociales sont en forte hausse…

Depuis plusieurs semaines, la grogne fiscale ne cesse de monter dans le pays. Les Français ont le sentiment qu’on leur demande des sacrifices toujours plus importants. Le mouvement d’opposition à l’Eco-taxe a fait des émules, les bonnets rouges ont laissé place aux bonnets jaunes et aux bonnets verts. La fronde fiscale est probablement alimentée par le sentiment que le système de redistribution par l’impôt est grippé et qu’il ne permet plus de corriger les inégalités. Pour preuve, et c’est l’un des principal enseignement de l’enquête, près d’un Français sur deux (47%) estime que les inégalités sociales ont « fortement » progressé en France ces dernières années. Si on ajoute ceux qui pensent qu’elles ont « un peu » progressé, on arrive à un total très largement majoritaire. Pour 70% des personnes interrogées, les inégalités sociales ont gagné du terrain en France, contre 16% pour qui elles ont diminué et 13% pour qui elles sont restées stables.
Les résultats détaillés montrent que l’idée d’une forte progression des inégalités n’est pas portée par les catégories les plus fragiles mais plutôt par les classes moyennes et les salariés, qui voient probablement dans la hausse des impôts et des taxes un risque supplémentaire de déclassement. 55% des cadres estiment ainsi que les inégalités sociales sont en forte hausse, tout comme 58% des personnes exerçant une profession intermédiaire (contre 41% des ouvriers). 54% des salariés (contre 44% des retraités) et 56% des 35-59 ans (contre 36% des moins de 35 ans et 44% des plus de 60 ans) pensent de même.

… Tandis que les solidarités se relâchent

En France, l’idée d’une progression des inégalités sociales s’accompagne du sentiment que la solidarité des plus aisés envers les plus démunis recule. Pour une nette majorité de Français (62%), il y a aujourd’hui en France moins de solidarité entre les plus riches et les plus pauvres qu’il y a dix ans (contre 10% pour qui il y en a davantage et 26% autant qu’avant). Ce résultat fait écho au contexte de crise et aux nombreux débats sur l’avenir du modèle social français. L’idée d’un recul de la solidarité entre riches et pauvres est majoritaire dans toutes les catégories de la population. Elle est particulièrement marquée chez les plus modestes (73% des ouvriers, 68% de ceux qui ont les revenus les plus faibles).
La solidarité intergénérationnelle résiste mieux, même si beaucoup pensent qu’elle est aussi en recul. Pour 42% des Français, il y a depuis 10 ans moins de solidarité entre les générations, contre 24% pour qui la solidarité progresse et 31% pour qui elle reste inchangée. Dans ce domaine, les perceptions évoluent sensiblement selon l’âge des personnes interrogées. L’idée d’une progression est un peu plus marquée chez les 45-59 ans (29%) et les 60 ans et plus (27%). Pour les 25-44 ans, c’est le recul qui est majoritaire (à 50%). Les moins de 25 ans sont plus partagés.
La hausse des inégalités et le relâchement des solidarités n’est pas spécifique à la société française. L’opinion est également critique sur l’évolution de la situation à travers le monde. Pour 62% des personnes interrogées, les inégalités ont progressé ces dernières années entre les pays à travers le monde et pour près d’une sur deux (49%) il y a aujourd’hui plutôt moins de solidarité entre pays riches et pays pauvres que dix ans plus tôt (contre 14% pour qui la solidarité a progressé et 34% qu’elle est restée inchangée).

L’accroissement des inégalités sociales : première menace sur le Vivre Ensemble

Dans ce contexte, le sentiment que les inégalités menacent le pacte social se renforce. Pour les Français, c’est l’accroissement des inégalités qui menacent le plus notre capacité à bien vivre ensemble (38% de citations, +11 par rapport à 2012). Les conséquences de la crise deviennent plus problématiques que la crise elle-même, même si cette dernière reste en bonne place dans la hiérarchie des menaces (au deuxième rang des items, avec 34% de citations, -13).
En plus de ces deux enjeux, d’autres menaces pour le vivre ensemble sont pointées du doigt par les Français. Comme l’année dernière, ils soulignent « les extrémismes religieux » (28%), « l’individualisme » (26%), mais aussi, et de manière plus prononcée qu’auparavant, « les extrémismes politiques », (15%, soit 5 points de plus que l’année dernière). Cette progression est sans doute liée à la radicalisation apparue tout au long de cette année en marge de certains mouvements sociaux, de la Manif pour Tous en début d’année jusqu’aux dégradations des portails Eco-taxe. Elle doit aussi certainement au climat politique actuel et à la multiplication des propos racistes.

Un contexte qui renforce le sentiment de précarité

Le climat actuel alimente également l’inquiétude pour sa situation personnelle. En pensant à l’avenir, plus d’un Français sur deux (55%) pense pouvoir un jour basculer dans la pauvreté (contre 41% qui se pensent à l’abri). Ce niveau doit cependant être relativisé, le champ des possibles étant plus large que le champ des probables. Il n’en demeure pas moins qu’il traduit un sentiment de précarité très fort au sein de la société française. Il est plus net encore dans les catégories actives peu diplômées et à faible revenu (73% chez les ouvriers et 67% chez les employés).
A l’opposé, ceux qui pensent pouvoir un jour n’avoir plus aucun problème d’argent sont beaucoup moins nombreux (32%). Ils sont minoritaires dans toutes les catégories de population, mais un peu plus nombreux chez les hommes (37%) et les plus hauts revenus (36%). Ainsi, même les personnes les plus aisées financièrement ne sont pas totalement sereines en pensant à leur avenir.

Pour les Français, on ne parle « pas assez » d’économie, mais pas seulement…

On dit les Français fâchés avec l’économie. Pourtant le sujet ne les laisse pas indifférents comme le montrent les fortes attentes d’information dans ce domaine. Pour une majorité de personnes interrogées dans l’enquête (53%), on ne parle pas assez des sujets économiques (contre 27% pour qui on en parle trop et 18% comme il faut). Ce résultat peut surprendre dans la mesure où depuis 2008 et la faillite de la banque américaine Lehman Brothers, on n’a sans doute jamais autant parlé d’économie dans les médias français. Il témoigne sans doute de leur besoin de compréhension sur le sujet. L’attente d’information n’est toutefois pas propre aux questions économiques. Elle touche tous les sujets. 49% des Français trouvent qu’on ne parle pas suffisamment des sujets de société et 58% que l’on ne parle pas assez des sujets liés à l’environnement. Le sentiment que la société serait saturée d’information est donc minoritaire.


Fiche technique
L’enquête a été réalisée auprès d’un échantillon de 1 025 personnes représentatif de la population française âgée de 15 ans et plus. Les interviews ont été menées par téléphone du 8 au 9 novembre 2013. La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas appliquée aux variables de sexe, d’âge, de catégorie socioprofessionnelle de la personne de référence du ménage, de région et de catégorie d’agglomération.


Vincent Dusseaux
Directeur d’Etudes Ipsos Public Affairs
vincent.dusseaux@ipsos.com

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