mercredi 12 février 2014

Maintenir la performance dans la complexité : engagement et résilience

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Les dirigeants et les managers sont confrontés à un « nouveau monde » dans lequel le changement est permanent et la complexité croît (mondialisation, digitalisation, porosité totale des sphères privées et professionnelles, complexité des organisations, …). Dans ce nouveau monde, ils doivent continuer à générer des gains de productivité, innover et délivrer la performance attendue sous une pression toujours plus forte et avec des ressources limitées. Autrement dit « faire plus avec moins ».
L’engagement – et son impact reconnu sur les résultats économiques – est donc plus que jamais nécessaire, de la part des équipes et avant tout de leurs leaders. Or, nos bases de données montrent qu’il est de plus en plus difficile de maintenir un fort niveau d’engagement, en particulier dans des contextes chahutés.

Fort impact de la situation économique sur l’engagement
A titre d’exemple en Europe du Sud et en France et dans les entreprises en restructuration, les taux d’engagement ont tendance à nettement baisser. Ceci est en phase avec les études d’opinions conduites régulièrement. Ainsi en France, seulement 34% des personnes interrogées se considèrent optimistes sur l’avenir, contre 45% en 2009 (1). Nous observons également que les leviers d’engagement évoluent : par exemple le poids de la rémunération dans l’engagement a pratiquement doublé sur les deux dernières années, pouvant atteindre 10 à 15% d’impact. Ceci vient battre en brèche certaines idées reçues. Alors qu’il était habituel de dire que la rémunération n’était pas un levier d’engagement mais au mieux un facteur de désengagement lorsqu’elle n’était pas au niveau du marché, force est de constater qu’elle remonte aujourd’hui dans la hiérarchisation des facteurs d’engagement.
L’engagement du middle management est particulièrement préoccupant. Soumis à une forte pression du top management pour atteindre des objectifs toujours plus ambitieux et à une forte pression de leurs équipes qui attendent pêle-mêle de la clarté, du développement et de l’autonomie, l’encadrement intermédiaire dans nos enquêtes a un taux d’engagement inférieur à celui de ses équipes (6,7 sur 10 vs 6,9). Ce taux a baissé depuis 2010 et s’explique par un manque de confiance dans la Direction et la stratégie, un déficit de solidarité et de coopération, une montée du stress et le sentiment d’évolutions de carrière insuffisantes.
Certaines priorités doivent donc être revues pour tenir compte de ces évolutions et nos clients sont nombreux à reconnaître que les actions mises en œuvre pour entretenir la motivation et de ce fait maintenir le niveau de performance attendu ne portent pas toujours leurs fruits. En outre, dans ce contexte d’incertitude et de complexité accrue, la pression est telle que la frontière entre l’engagement et le risque de burn out s’atténue. Il ne suffit donc pas d’être engagé, encore faut-il l’être dans la durée pour être capable de continuer à délivrer les résultats attendus en passant non plus la vague, mais les vagues successives, autrement dit être résilient. Ce concept prend sa source dans les travaux de psychologues et de neuropsychiatres (Emmy Werner aux USA, Boris Cyrulnik en France) sur les personnes qui ont traversé des épreuves extrêmement traumatisantes pendant leur enfance ou leur adolescence et qui, néanmoins, ont été capables de les dépasser, de survivre et de conduire des vies « normales ».

A la recherche de la résilience
Nos observations sur les deux dernières années montrent que les entreprises plus résilientes que les autres se différencient sur cinq dimensions : une attention particulière apportée au sens que le travail a pour les collaborateurs, un fort niveau d’énergie individuelle et collective, une culture collaborative, une grande dextérité opérationnelle, une attitude positive face au changement et à l’inattendu.
Donner du sens ne signifie pas forcément trouver au travail un sens à sa vie. Il ne s’agit pas forcément d’être passionné par les produits et services de l’entreprise ou de trouver une connexion directe entre eux et sa raison d’être sur terre, mais plutôt de la richesse de l’expérience que vous vivez au travail et de son impact sur votre développement personnel. Autrement dit, comment le fait de travailler dans une entreprise nous rend- elle meilleur ?
En ces temps d’incertitude, le niveau d’énergie fait clairement la différence. La capacité de résister au stress et à l’adversité, individuellement et en tant qu’équipe, conduit à la résilience organisationnelle. Les équipes qui savent qu’elles pourront aller au bout de leurs idées et convictions, qui se sentent soutenues et évaluées équitablement par leur encadrement sont mieux armées pour encaisser les chocs.
L’isolement et la solitude sont des ennemis de la résilience. L’accès à ceux que Cyrulnik appelle des « tuteurs de résilience » favorise la capacité de résister et de récupérer plus vite que les autres. Dans l’entreprise c’est la même chose. La solidarité entre les membres d’une équipe et la confiance qu’ils se témoignent génèrent de la résilience. Au contraire, les équipes où les membres n’osent pas se confier leurs difficultés ou parler de leurs échecs sont plus vulnérables. La coopération, dont les entreprises manquent si cruellement aujourd’hui, fournit ici une preuve nouvelle de sa nécessité. La possibilité de disposer d’un réseau efficace et disponible au-delà de l’équipe naturelle avec lequel échanger et sur lequel s’appuyer constitue un facteur majeur de résilience.
Les équipes résilientes démontrent plus d’imagination et d’agilité que les autres. Ceci s’exprime grâce à un climat d’écoute et de bienveillance insufflé par le management, de remise en cause des manières de faire habituelles, de forte autonomie. La vitesse de réaction et de décision y est également plus élevée et la culture permet de faire accepter que les managers prennent des décisions difficiles.
Combien de collaborateurs décident-ils d’arrêter de proposer des solutions « out of the box » après s’être fait critiquer par leur manager ou leurs collègues en réunion ? L’attitude face au changement et à l’inattendu est – avec la coopération – le sujet qui différencie le plus les équipes résilientes. Ici, pas de combat d’arrière-garde ou de résistance passive. Le climat de confiance inspiré par les dirigeants traverse l’organisation et se retrouve dans une attitude positive face aux changements et aux difficultés. Les équipes sont stimulées par les difficultés parce qu’elles savent qu’elles parviendront à les dépasser ensemble. Les suggestions sont réellement encouragées, écoutées et prises en compte.
La mesure du niveau de résilience et de ses facteurs, dans le cadre d’une enquête d’engagement permet d’identifier quatre populations (cf. tableau joint).

Vers un engagement durable
Qualintra
Les engagés résilients
Ces collaborateurs vont permettre à l’entreprise de générer la performance attendue dans la durée. En termes d’action, il convient de s’assurer qu’ils restent engagés et résilients, de les reconnaître et de s’appuyer sur eux. Leur moral à toute épreuve et leur approche positive de l’avenir peuvent en effet avoir un impact favorable sur les autres segments, notamment les résilients non engagés.
Les résilients non engagés
Ces personnes disposent d’une forte capacité d’adaptation et d’une bonne résistance au stress. Souvent anciens dans l’entreprise, ils bénéficient d’un bon réseau et arrivent à rester en poste à travers vents et marées en s’accrochant. Néanmoins, ils ne croient pas au projet collectif, ne sont pas prêts à faire le pas de plus, ménagent leurs efforts et ne vont pas au-delà de ce qui est attendu d’eux. On ne peut pas s’appuyer sur eux pour porter des initiatives nouvelles. Il faut travailler sur les leviers susceptibles de renforcer leur engagement.
Les engagés non résilients
Il s’agit d’une population à risque. Très investis dans leur travail, reconnus comme de bons performeurs, « se défonçant » pour l’entreprise, ils/elles ne ménagent pas leur peine et n’écoutent pas leur corps ni leurs proches. Sachant difficilement dire non, ils ont tendance à sacrifier leur vie privée sur s’autel de l’entreprise et subissent la pression et le stress de plein fouet. Il convient de travailler avec ces candidats potentiels au burn out pour les aider à développer des réflexes de résilience individuels et d’équipe (2).
Les non engagés non résilients
De façon cynique on pourrait s’interroger sur l’énergie à consacrer à cette dernière population, puisqu’en principe elle devrait déjà avoir quitté l’entreprise. Refusant de se projeter dans l’avenir de l’entreprise et sur-réagissant à la pression et au changement, ils ne délivrent pas la performance attendue et leur manque de résilience a un impact sur leur travail et sur l’engagement de leurs collègues. Il convient donc d’anticiper et de s’assurer que les systèmes de reconnaissance et de gestion de la performance sont efficaces afin de réduire au maximum le nombre de collaborateurs dans cette catégorie.
En utilisant un questionnaire d’engagement enrichi des questions sur la résilience et ses principaux facteurs, les entreprises pourront mesurer les niveaux d’engagement et leur durabilité. Elles pourront donc mettre en place les actions spécifiquement dédiées au renforcement de la résilience et, partant, améliorer le bien-être au travail de ses collaborateurs. En effet, en donnant aux équipes et aux individus les clefs pour absorber les chocs et les difficultés professionnelles, et réussir à se remettre en ordre de marche plus rapidement que les autres, elles prendront soin de leur capital humain. Elles bénéficieront de ce fait d’une longueur d’avance sur leurs concurrents, moins aptes à maintenir un engagement fort dans la durée.

1 Source Enquête Cevipof in Le Monde 14 janvier 2014
2 Des recherches récentes mettent en évidence que le burn out touche en majorité les collaborateurs – cadres au premier chef – les plus engagés. Lire à ce propos P. Chabot, Global burn-out, PUF 2013.

Qualintra SA – http://www.qualintra.com
11, rue du Mont Blanc – 1211 Genève – Suisse

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