samedi 5 avril 2014

Réseaux sociaux d’entreprise : halte au manque de perspective !

La mise en place de Réseaux Sociaux d'Entreprise (RSE) ne peut se limiter à une seule approche technologique. Le management est une condition du succès des RSE.
La société Lecko a publié récemment son étude annuelle sur les réseaux sociaux d’entreprise (RSE) en indiquant que « ce 6ème tome se démarque par le renforcement de l’étude des usages dans les entreprises ». Il faut bien constater que malgré cet objectif louable la vision des RSE présentée dans ce document manque de mise en perspective par rapport à la vie et au management des organisations.

Le collaboratif et le social

A ce jour, le travail collaboratif a déjà une histoire substantielle et des résultats notables dans les organisations. C’est dans l’industrie, et plus particulièrement dans les ateliers puis les bureaux d’étude que sont apparues ses premières pratiques. Avec l’arrivée du Groupware, elles se sont généralisées aux autres secteurs tout en restant dans un contexte technologique. C’est l’apparition et le développement des communautés de pratique qui lui a donné une dimension managériale.
S’agissant du social, l’histoire est plus courte. Avec le développement du Knowledge Management au début des années 2000, de nombreux groupes anglo-saxons ont mis en place, principalement dans les directions de R&D, des dispositifs de localisation d’expertise. Ils permettaient d‘identifier sur un ou plusieurs domaines techniques les spécialistes et d’interagir avec eux pour obtenir l’assistance souhaitée. Le plus souvent ces dispositifs ont été un succès car les personnels impliqués remplissaient et mettaient à jour leur profil. Ce qui n’a pas été le cas dans les groupes de base française.
C’est cependant l’arrivée des réseaux sociaux du Web dans les organisations sous le nom de réseaux sociaux d’entreprise qui a mis en avant le social, même si comme l’a montrée l’étude de l’EMLYON avec KnowledgeConsult, les collaborateurs ne remplissent pas toujours leur profil. Il n’est pas pour autant possible d’indiquer que les RSE doivent être abordés comme des outils logiciels dont il s’agirait d’identifier les « usages sociaux et collaboratifs au service de l’organisation ». De fait ceux qui sont mis en avant dans le document sont la gestion de projet, la socialisation de processus, la communauté de pratique et le knowledge management.
En fait à la suite des travaux sur le comportement organisationnel (Organizational Behavior), deux types de groupe sont reconnus dans les organisations. Il y a ceux qui sont focalisés sur un ou plusieurs objectifs et organisés pour les atteindre et ceux qui sont plus ouverts et sans de réels objectifs. Le premier type de groupe correspond à la pratique du travail collaboratif et il inclut les groupes de projet ou de travail et les communautés de pratique qui n’en sont qu’une variante orientée « connaissances ». Le second type concerne la communication intra ou inter-directions et donc inclut la communication autour des processus.

La gestion des transformations

Le document fait référence à la transformation digitale puis à l’Entreprise 2.0. Pourtant ce second sujet est mort depuis plusieurs années tout simplement parce qu’il n’a quasiment rien produit de concret à part des conférences et surtout parce que ce n’est pas la mise en place de technologies informatiques, soient-elles des blogs, des wikis, des folksonomies… qui va changer les organisations.
Tels que le reconnait la conduite du changement, les différents types de changement au sein d’une organisation sont :
  1. le changement incrémental qui est un changement qui consiste à améliorer l’existant pour le rendre plus performant.
  2. le changement transitionnel qui est une évolution qui va amener une organisation, globalement ou sur un domaine, à changer en passant d’un état présent bien connu à un état futur connu pour l’essentiel.
  3. le changement transformationnel qui est un changement qui bouleverse complètement une organisation (structure, processus, compétences, comportements, culture…) sans pour autant que l’état à atteindre soit connu précisément au démarrage du processus de changement.
Dans ce contexte, la transformation digitale est une transformation particulière car son résultat opérationnel n’est pas connu en détail à l’avance. En fait, il variera beaucoup en fonction de la nature des technologies utilisées ainsi que de leur appropriation par les collaborateurs. Sa gestion ne peut se résumer à ce qui est appelé dans le document « le développement des usages »et « l’acculturation » qui relèvent d’une vision trop limitée.
S’agissant maintenant de la gouvernance du projet RSE évoquée, il faut vraiment se demander s’il est bien connu que dans une organisation à la suite des travaux sur le comportement organisationnel, il est distingué usuellement les trois niveaux suivants : l’individu, le groupe, l’organisation. Il n’est donc pas judicieux de fixer pour un dispositif de gouvernance, qui très clairement se situe au niveau de l’organisation, le traitement de « problématiques » qui relèvent de comportements et donc de l’individu comme par exemple « agir au bon moment » ou encore mieux « maitriser et lâcher prise ».

L'évolution social du système d'information

Il est certain que « choisir une solution consiste à rapprocher son besoin de l’offre du marché », mais pour se faire la démarche proposée doit prendre en compte la maturité de l’organisation par rapport à ce qu’impacte un RSE dans une organisation, c’est-à-dire la collaboration et la communication. C’est dans ce contexte que nous proposons un modèle de maturité par rapport au système d’information de communication et de collaboration d’une organisation et des actions à réaliser suivant le niveau où elle se trouve.
Par-delà ces éléments, mettre en avant le système d’information comme seul porteur du capital social d’une organisation est réducteur. En fait, ce sont d’abord ses collaborateurs qui portent le capital social interne et externe d’une organisation. Le système d’information ne peut avoir pour vocation que d’en gérer formellement une partie, celle qui est la propriété de l’organisation.
De fait, ce ne sont pas les 10 convictions sur « l’urbanisation du système d’information social » qui font avancer le débat. De même que précédemment avec les consignes pour la gouvernance, il est vraiment difficile de savoir à quel niveau de l’organisation les positionner et plus délicat à qui les transférer organisationnellement. C’est pourquoi, la réelle évolution sociale du système d’information reste encore à penser et de manière non réductrice.

L'analyse des plateformes logicielles de RSE

Même si l’analyse des plateformes logicielles de RSE est le sujet des études réalisées depuis plusieurs années par Lecko, il faut bien constater que là aussi il y a des éléments qui manquent de vision globale.
C’est ainsi qu’il est appelé "segments de marché" ce qui n’est suivant la propre terminologie du document que trois « usages » identifiés précédemment auxquels ont été ajoutés la « communication » et le « social CRM ».
Ensuite, il y a les matrices qui opposent l’usage métier à l’usage social, ce qui est pour le moins étonnant. En effet les organisations sont des dispositifs finalisés impliquant des métiers techniques et fonctionnels. Il semble qu’il faille maintenant considérer une autre dimension dans les organisations. Elle s’appelle le « social » et elle ne relève pas des syndicats… 
Pour terminer, il y a les analyses détaillées des plateformes logicielles à travers 10 axes qui sont vraiment curieuses. Par exemple, sur une plateforme logicielle, il est connu depuis longtemps que ce ne sont pas les connaissances qui sont classées mais les contenus. De ce fait l’axe « classement des connaissances » est en grande partie redondant avec l’axe « gestion et partage des contenus » ainsi qu’avec celui qui s’appelle « gestion du rendu ». De plus faire un axe « conversation » et y intégrer la création de différents types de communauté est original.  En fait, là encore est développée une vision limitée des RSE.

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