lundi 7 juillet 2014

Le duel des réseaux de notables

Rotary contre Lions
Marc Landré, publié le

Nés en Amérique il y a près d'un siècle, ces clubs philanthropiques sont aussi des lieux de pouvoir. Face-à-face des deux plus sélects. 

Le Rotary International, la plus ancienne et l'une des plus importantes organisations non gouvernementales au monde, fêtera dans un an son premier siècle d'existence. C'est à Chicago, en 1905, que Paul Harris, un avocat, a eu l'idée de créer un club pour les milieux d'affaires de l'Illinois. Les cinq fondateurs se recevant chez eux à tour de rôle, l'association prit le nom de Rotary, pour in rotation, en anglais. Elle s'est transformée au fil des ans en un " club service ", intervenant aux quatre coins de la planète pour répondre " aux besoins les plus critiques ". La petite histoire raconte que son principal concurrent, le Lions International, a vu le jour lui aussi à Chicago, en 1917, sous la houlette de l'assureur Melvin Jones et de quelques membres du Rotary. Ces derniers, gênés de faire attendre dans le froid leur chauffeur pendant leurs heures de réunion, leur ont créé un club. Un bel esprit de " confraternité ", auquel les héritiers de Harris et Jones ne cessent depuis de se référer. 
1/Représentativité et étendue du réseau Avantage Lions 
Les descendants des " chauffeurs de maîtres " ont depuis pris leur revanche. Le Lions International distance aujourd'hui son aîné d'une courte tête : 1,4 million d'adhérents contre 1,2 million au Rotary, 43 000 clubs dans le monde contre 31 000, et une implantation dans 185 pays contre 166. Il n'y a qu'en France que les successeurs des " patrons magnanimes " continuent de l'emporter puisque le nombre de " rotariens " y dépasse celui de " lions " : 34 000 contre 31 700 pour environ un millier de clubs chacun. Moins élitistes, les Lions Clubs sont composés de cadres moyens et supérieurs de petites entreprises, alors que les Rotary Clubs font plutôt se côtoyer des dirigeants, des militaires de haut rang et des professions libérales. Les deux se retrouvent toutefois sur un point : le peu de place fait aux femmes (11 % de lionnes et 8 % de rotariennes). Ces dames ont dû attendre une décision de la Cour fédérale américaine au milieu des années 80 pour que les portes des clubs s'ouvrent enfin. Les deux organismes possèdent aussi leur lot de personnalités, notamment des ministres en exercice. Six pour le Lions : Nicolas Sarkozy, François Fillon, Gilles de Robien, Jean-Paul Delevoye, Renaud Muselier et Dominique Bussereau. Et deux (d'honneur, mais pas des moindres) pour le Rotary : Raffarin et Sarkozy. 
2/Sélectivité du club Avantage Rotary 
Mis à part, peut être, le ministre de l'Intérieur, ne devient pas rotarien ou lion qui veut ! L'intégration des nouveaux membres est définie dans les épais manuels de procédure. Le futur rotarien doit être âgé de plus de 30 ans et être repéré " pour ses qualités professionnelles et sa capacité à servir autrui ". Après enquête, son parrain le convie à plusieurs réunions, seul et avec son conjoint, pour tester son engagement et demander l'avis des anciens. Ce n'est qu'au bout d'un processus de six mois que la commission de nomination intronise ou non l'impétrant. Le nouveau lion suit à peu près le même parcours, même si les procédures sont moins contraignantes. L'affiliation à un Lions Club est ouverte, sur parrainage, " aux hommes et aux femmes majeurs jouissant d'une bonne réputation ". Mais, à la grande différence du Rotary, n'importe qui peut se porter candidat. " On ne vient pas chez nous pour faire des affaires, explique Serge Grilhault des Fontaines, le président du Lions Club en France. On intègre les gens pour ce qu'ils sont et non pour le poste qu'ils occupent. " 
3/Puissance financière Avantage Rotary 
Ce sont essentiellement les cotisations annuelles de leurs membres (1 000 euros en moyenne pour un rotarien français et 500 euros pour un lion) qui les font vivre. Les clubs vendent aussi des magazines et des livres. Au niveau mondial, le Rotary International dispose ainsi d'un budget de 65 millions de dollars pour faire tourner une lourde machine, qui emploie 500 personnes et gère 31 000 clubs. La fondation du Rotary International, le bras armé des interventions de l'ONG, dispose d'un budget annuel de 120 millions de dollars (dont 80 % servent à financer des programmes humanitaires, éducatifs ou médicaux) et de près de... 500 millions de réserves. Le Lions International est très discret en ce qui concerne ses budgets de fonctionnement, même si l'association affirme être l'ONG la plus généreuse au monde, avec 700 à 900 millions de dollars de subventions et dons distribués au total par an. Un chiffre astronomique, qui est cependant bien éloigné du montant total officiel des subventions que sa fondation internationale a distribuées depuis sa création : 315 millions de dollars. La fondation du Rotary a, elle, dépensé près de 1,2 milliard de dollars en interventions diverses depuis 1936. 
4/Efficacité des actions humanitaires Avantage ROTARY 
Où va tout cet argent ? Chaque club a ses causes de prédilection : l'éradication de la poliomyélite pour le Rotary, la lutte contre la cécité pour le Lions. Le Rotary a ainsi dépensé 500 millions de dollars depuis 1985 pour vacciner 2 milliards d'enfants dans le monde contre la polio. Le Lions a consacré, lui, plus de 150 millions de dollars depuis 1993 pour le programme SightFirst, notamment en développant les opérations de la cataracte ou en envoyant de vieilles paires de lunettes dans les pays défavorisés. Le Lions, lui, soutient une multitude de causes. Il est bien souvent la première ONG à délivrer des aides d'urgence dans les pays touchés par des catastrophes naturelles. Les deux clubs oeuvrent également pour le maintien de la paix. Le Rotary a créé sept centres d'études où sont formés 70 jeunes par an à la diplomatie et à la résolution des conflits, tandis que le Lions organise chaque année un concours international d'affiches pour la paix. 
5/Utilité de l'entraide interne Avantage Lions 
En plus de leurs opérations caritatives ou humanitaires, le Rotary International et le Lions International forment également des réseaux fort utiles pour leurs propres adhérents. " L'entraide entre membres existe, mais elle n'est pas systématique ", nuance Serge Grilhault des Fontaines. " Quand on devient rotarien, on entre dans une grande famille ", abonde Norbert Turco, l'un des responsables du Rotary en France. Qu'un membre perde son emploi, et ce sont tous les adhérents de son club qui vont se mobiliser pour lui venir en aide. Pratique : quand un clubiste déménage, il peut s'appuyer sur les membres de la ville d'adoption pour faciliter son intégration ou trouver une école pour ses enfants en cours d'année. Un privilège qui n'a rien d'automatique au Rotary, où l'on a instauré des sortes de quotas par profession représentée, et où l'accord préalable des membres du club d'arrivée est nécessaire. 
Résultat du match 
Rotary 3/ Lions 2 
Dans la course à l'aide humanitaire, c'est le Rotary International qui s'en tire le mieux grâce à une meilleure coordination de ses actions à l'échelle planétaire et à une meilleure centralisation de ses services. Avec son côté sélect et plus élitiste, il a moins souffert dans les années 90 de la désaffection des Français pour les " clubs service ", puisqu'il a réussi à stabiliser ses effectifs, alors que le Lions, continue de perdre 200 membres par an. 

En savoir plus sur http://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/le-duel-des-reseaux-de-notables_1448040.html#uMKKzm3mORdUwCfo.99

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