dimanche 27 juillet 2014

Requiem pour les chrétiens d'Orient


Le Point.fr - Publié le - Modifié le

Le sort tragique des chrétiens d'Irak et de tout le Moyen-Orient n'émeut pas grand monde. Pourtant, leur existence même est menacée.

Des chrétiens de Mossoul déplacés prient, le 20 juillet 2014.
Des chrétiens de Mossoul déplacés prient, le 20 juillet 2014. © Uncredited/AP/SIPA
"Devenez musulmans et sujets du califat ou alors payez la jyziah." Dans les rues de Mossoul désormais contrôlée par les combattants sunnites de l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL), les haut-parleurs déversent la bonne parole djihadiste. Le message a le mérite de la clarté : si les chrétiens refusent de se convertir, ils doivent s'acquitter de la jyziah, un impôt auquel étaient jadis soumis les dhimmis - chrétiens ou juifs - en terre d'islam. Il reste cependant une troisième voie pour les chrétiens de Mossoul qui ne voudraient pas être relégués au rang de dhimmis, c'est-à-dire de citoyens de seconde zone : partir. Mais sans rien emporter. L'ultimatum expire, en principe, samedi 26 juillet. Les chrétiens de Mossoul sont prévenus : après cette date, les récalcitrants sont purement et simplement promis au sabre salvateur des sicaires.

Pour lever toute ambiguïté et éviter que le gibier ne s'échappe, des "N" ont été tracés sur les maisons des chrétiens. "N" pour nazaréen, "N" comme Jésus de Nazareth. Cette épuration religieuse n'est pas un cas isolé. Les deux tiers des chrétiens d'Irak - plus d'un million - ont fui le pays. La majorité d'entre eux sont catholiques romains de rite chaldéen. Le renversement du régime dictatorial, mais laïque de Saddam Hussein et le chaos engendré par l'irresponsable intervention américaine ont signé leur arrêt de mort.

Les chrétiens syriens derrière Assad

En Syrie, la plupart des chrétiens sont orthodoxes. Ils se raccrochent désespérément à Bachar el-Assad et à la Russie protectrice historique des Églises orthodoxes d'Orient. Les événements d'Irak et les exactions des combattants djihadistes en Syrie même ne risquent pas de les faire changer d'avis.
En Égypte, l'Église copte, fondée par saint Marc selon la tradition, est sur la défensive. Les chrétiens ont payé un lourd tribut à la montée de l'islamisme : massacres, lieux de culte incendiés, intimidation en tout genre. Ils ont vu la prise du pouvoir par le maréchal al-Sissi comme une divine surprise. En Turquie, un ministre d'Erdogan envisage de transformer la basilique Sainte-Sophie (un musée depuis 1934) en mosquée.
En Palestine, le nombre de chrétiens se réduit comme peau de chagrin, même si Mahmoud Abbas, le président (musulman) de l'Autorité palestinienne, ne manque jamais de s'afficher, comme son prédécesseur Yasser Arafat, à la messe de minuit de Bethléem. Même le Hamas ménage officiellement les chrétiens. Il n'empêche : la pression "sociétale" et politique de l'islam pousse les chrétiens à l'exil. Même phénomène en Israël, où il n'est pas facile d'être doublement minoritaire : arabe dans un pays juif et chrétien dans une communauté majoritairement musulmane.
Le calvaire des chrétiens de Mossoul ne suscite bizarrement aucune grande vague d'indignation en France. Dans la torpeur estivale, quelques déclarations éparses en forme de condoléances résignées. Mais pas de grande mobilisation des professionnels de la pétition et des intermittents de la manifestation. Même l'Église catholique paraît bien timorée à l'exception de quelques institutions très actives (telle l'Oeuvre d'Orient) : une petite intention de prière à la messe du dimanche et l'on passe à autre chose. Mossoul n'est pas Gaza.
Lire aussi La persécution des chrétiens d'Irak est un "crime contre l'humanité" (Ban Ki-moon).

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